L’homme à la bicyclette
Si nous retournons en arrière de quelques décennies, nous constatons, qu’il est coutume dans notre communauté, que les jeunes et moins jeunes religieux fréquentent l’Université, à temps complet, après avoir enseigné durant quelques années.
Plusieurs confrères souhaitent, après leurs études à l’École Normale, se retrouver sur les bancs universitaires afin de parfaire leurs connaissances et être plus à l’aise devant une classe dont le degré d’étude passe à un niveau supérieur.
Un confrère, encore jeune, se retrouve, un jour, dans le moule de cette coutume. Il fréquente l’Université à temps complet et ce grand projet durera quelques années, selon les directives du préfet des études de sa Province religieuse.
Il demeure dans une résidence, avoisinant l’Université, avec quelques autres confrères qui sont dans la même situation que lui. Ce confrère, qui reconnaît le grand avantage dans lequel il vit présentement, prend bien soin de suivre attentivement les cours et de faire les travaux avec application. Mais il ne faut pas oublier la nécessité d’avoir également des moments de loisir, alors il se tourne vers l’entraînement physique.
Pour se maintenir en forme physique, notre confrère pratique le vélo dans les moments libres seulement.
Par un beau samedi, notre jeune étudiant se promène avec son vélo dans la grande ville au milieu des automobiles. Par hasard lorsqu’il côtoie un autobus, il entend une voix masculine crier une phrase laconique mais pleine de sens.
En entendant ces mots, notre confrère se sent blessé dans son orgueil, car il pense que cette parole s’adresse à lui.
Il mijote le tout dans son esprit et une sainte colère, pas tellement sainte, monte en lui. Il retourne précipitamment à sa résidence. Sans plus attendre et sans trop penser aux conséquences de son geste, il raconte à ses confrères son anecdote dans les moindres détails.
Il déclare que l’homme qui a prononcé une telle parole est un parfait goujat, un vulgaire galapiat, un mécréant de la pire espèce. Mais une réaction étrange se produit. Il constate que ses confrères ne pensent pas comme lui et au lieu de condamner les gestes de l’homme coupable, aux yeux de l’amant du vélo, ils sourient avec un petit air moqueur.
En étudiant la situation sous un angle nouveau, notre confrère constate qu’il aurait dû conserver pour lui, dans ses souvenirs, l’anecdote qui s’est déroulée en sa présence. Il se demande si cette phrase s’adresse à lui ou à une autre personne.
Maintenant on se moquera gentiment de lui, mais on se moquera de lui quand même. Il constate rapidement tout le bon sens qu’un vieux proverbe dévoile : « La parole est d’argent, mais le silence est d’or ». Il aurait dû se taire.
Cette phrase outrageante., qui deviendra célèbre dans l’entourage de cette pauvre victime, est la suivante : « Pédales, gros maudit, pédales ». Son embonpoint naissant devenait ainsi source de taquinerie de la part de ses confrères.
Nous ignorons si notre pauvre victime a pédalé beaucoup, mais nous constatons que son embonpoint est demeuré bien visible.
Wilfrid Bernier, c.s.v.
Joliette, jeudi 2 août 2018
Source :
Bulletin d’information – Octobre 2018 – No 214 (PDF).