Le directeur novice

Un confrère possédant plusieurs années d’expérience dans le domaine de l’enseignement et du secrétariat auprès des supérieurs se voit confier, un jour, une nomination que l’on pourrait qualifier de bien désirée. Il est nommé supérieur d’une école importante de la ville. Cela signifie, à l’époque, qu’en plus de s’occuper de la direction de l’école, il devient également le supérieur de ses confrères qui enseignent à cette même école.

ArchivesPrenant son rôle de supérieur très au sérieux, ce directeur novice constate que certains religieux rentrent un peu tard en revenant de leur marche de santé après le souper.

Il présume que la conduite de ses confrères doit être en tout point conforme au bon exemple que doivent donner les professeurs auprès de leurs élèves.

Après quelques jours d’observation, il décide de remédier à cette situation désolante, selon lui. Il demande à tous ses confrères de remettre les clés de la porte de la résidence. Comme le bureau du supérieur est situé près de la porte d’entrée, il se fera un plaisir d’accueillir les confrères à leur retour de leur marche après le souper.

Les confrères bien obéissants remettent les clés de la résidence, tout en reconnaissant que pareille décision est contestable. Le supérieur novice est bien content de cette première étape dans le redressement d’une situation non digne des religieux d’après son échelle de valeurs,

Mais un religieux, assez âgé et bien fidèle à ses engagements, vieux sage dit-on, décide de contester habilement la décision du supérieur novice. Il réunit aussitôt tous ses confrères, sans le supérieur novice, dans une salle, loin des oreilles trop fines pour entendre ce qu’il ne faut pas entendre. Ce brave religieux en profite pour donner à chaque confrère une règle de conduite avec la précision d’un règlement militaire que tout ce beau monde devait suivre à la lettre. Tous furent d’accord.

Le soir suivant, la cloche de la porte de la résidence sonne. Notre supérieur novice va répondre aussitôt, car il se doute que ses confrères reviennent de leur marche. Il ouvre, mais quelle surprise, un seul religieux entre. Ils devraient être plusieurs.

Dix minutes plus tard, un autre son de cloche se fait entendre. Manoeuvre identique de la part du supérieur avec la même surprise. Un seul confrère entre de cette marche dite de santé. Le dévoué supérieur commence à se poser des questions concernant la conduite de ses confrères. Et le reste de la soirée, la cloche sonne aux dix minutes et un seul religieux entre à chaque occasion.

Tous les religieux suivirent à la lettre les conseils donnés par le religieux bien à son affaire, du vieux sage. Ce dernier avait fait une liste demandant à chaque confrère d’entrer à la résidence aux dix minutes. Le tout était bien organisé.

Devant une telle expérience, le supérieur novice comprend la situation et s’empresse de remettre les clés de la résidence à tous ses confrères religieux.

La vie reprit son cours normal. Il faut dire qu’on ne montre pas à un vieux singe à faire des grimaces.

Wilfrid Bernier, c.s.v.

Source :
Bulletin d’information – Mars 2019 – No 219 (PDF).

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