Anniversaire du décès du Père Louis Querbes – Homélie
Homélie pour le 1er septembre
Anniversaire du décès du Père Louis Querbes
Maison Charlebois – Rigaud
Isaïe 6: 1-2, 6-8
Luc 5:1-5
Jeter les filets… Jeter à nouveau les filets, ne pas abandonner…
Cette page d’Écriture n’a pas d’âge tant elle porte en son cœur une pertinence qui ne s’est jamais démentie. Mais avant d’être une page d’écriture, elle fut d’abord parole, une parole entendue sur les rives du lac, après une nuit de travail sans rien prendre…
Et ce matin, tant d’années plus tard, nous venons de l’entendre, fatigués nous aussi après bien des années de service, avec peut-être le sentiment de nous retrouver avec des filets vides, et le cœur un peu lourd de tous ces défis auxquels nous avons à faire face.
Et pourtant, à nouveau, comme autrefois sur les rives du lac, comme au long des âges, le Seigneur redit : Jetez à nouveau les filets, car c’est bien lui qui parle quand, par la proclamation, nous redonnons vie aux Écritures.
Ces mêmes paroles, je me suis plu à les imaginer proclamées au long des âges et de l’histoire tumultueuse de l’Église. Je me suis plu aussi à imaginer qu’elles ont inévitablement été proclamées sur la colline de la Croix-Rousse, à Lyon, plus précisément dans la chapelle du Séminaire Saint-Irénée.
C’est là que le jeune Louis Querbes chemine vers l’ordination sacerdotale, ordination célébrée en 1816, il y a de cela 200 ans. Et il n’est pas le seul à cheminer ainsi, à se laisser questionner par la Parole.
Parmi ses compagnons certains s’appellent : Jean-Marie Vianney, Marcellin Champagnat, Louis Collin, d’autres comme ses deux amis : François Donnet qui deviendra cardinal-archevêque de Bordeaux et Augustin Dufêtre, évêque de Nevers…
Il en avait fallu du courage à ces jeunes séminaristes. On les retrouve dans une France qui peine à se relever de la révolution particulièrement cruelle à Lyon. Une France à nouveau ruinée par la défaite et les guerres napoléoniennes.
Alors que Querbes se prépare à devenir diacre, en 1815, Napoléon part en exil, son oncle le cardinal Fesch, l’archevêque de Lyon, son évêque, qui de toute manière se tenait dans les salons de la capitale, s’éloigne définitivement de sa ville épiscopale. Là aussi on se retrouve orphelin. Par ailleurs, le clergé demeuré fidèle est profondément divisé entre royalistes, légitimistes et républicains.
Les idées révolutionnaires ont mis à mal la foi chrétienne. L’anticléricalisme est plus que de bon ton, il est militant. C’est le chaos…
Une biographie du père Querbes, celle qu’Antoine Lestra, un lyonnais président de la Société Nationale d’Éducation publie en 1942, un document peu connu ici, trace le portrait de la situation politique plutôt complexe dans laquelle évolue le jeune Querbes, particulièrement à l’époque de son ordination. Pendant son stage pastoral – dirions-nous aujourd’hui – vif est le ton des conversations à la table de Saint-Nizier, pour ne pas dire davantage.
C’est dans ce contexte que se dessinent la vocation et le destin de Querbes, comme celui de ses compagnons de séminaire. S’ils sont les prémices d’une belle moisson dans ce coin de terre française, comme le commente un autre historien de l’époque, il leur faudra se mettre à l’ouvrage, même si un peu comme les pêcheurs rencontrés par Jésus, ils se sentent fragiles et bien démunis.
Querbes sera ordonné prêtre le 17 décembre 1816. Quelques mois plus tôt, le 20 juillet de la même année, la veille de son diaconat, alors qu’il va s’engager plus avant sur la voie du sacerdoce, pour se conformer aux avis de son directeur, il nous révèle ses dispositions intimes.
Voici un extrait de ce qu’il lui écrit :
« Je tremble quand je songe que demain, à l’heure où je suis, je serai revêtu de la même dignité que saint Étienne et saint Laurent. Je m’en reconnais bien indigne à cause de mes iniquités passées, et aussi, à cause de mes imperfections et de mes défauts présents, particulièrement une trop grande sensibilité et l’attachement trop vif que je porte à mes parents… »
Souvent il reviendra sur ces difficultés qui l’auront accompagné sa vie durant, comme ce sentiment d’indignité, comme cet attachement trop vif qu’il porte à ses parents…
Il est rare que cette question soit abordée, pourtant il n’est pas sans intérêt de savoir que les parents du père Querbes, de même que sa sœur Madeleine, viennent s’établir à Vourles en 1827. Il est donc forcément préoccupé par sa famille.
L’abbé Querbes veille sur ses vieux parents et sur sa sœur de santé fragile. Son père Joseph meurt le 26 décembre 1829, quant à sa mère Jeanne Brebant, ce sera en 1831, à des moments charnières dans sa carrière. Quant à Madeleine, qui est fleuriste, elle doit souvent garder le lit. Elle meurt célibataire en 1843. On sait également que sont venus à Vourles, des cousins, vivant plus ou moins à son crochet.
Il aura pourtant appris à conjuguer avec ces difficultés qui venaient s’ajouter à celles que le quotidien d’une communauté naissante ne manquait pas de lui apporter. Surtout, elles ne l’auront pas empêché de jeter les filets avec courage, de continuer à le faire tout au long de sa vie.
Un jour, alors que les contrariétés s’accumulent quant à la reconnaissance de son projet, n’écrit-il pas :
Mgr peut nous jeter par terre d’un trait de plume. Nous nous relèverons un havresac sur le dos et nous irons guidés (par) la providence, chercher de nouvelles épreuves.
Il aurait pu ajouter : À nouveau nous jetterons les filets…
Ailleurs, dans une lettre, il confie au père Faure :
Oui nous devons être des saints et moi en particulier. Plus que jamais, je sens que le bon Dieu demande de moi tous les sacrifices. Grâce à sa bonté, je n’éprouve de répugnance pour aucun.
On croit entendre le prophète Isaïe qui, à la question du Seigneur : Qui enverrai-je? donne pour toute réponse : Moi, je serai ton messager; envoie-moi.
C’est de ce Querbes dont nous voulons nous souvenir, particulièrement en cette année 2016, année du deux-centième anniversaire de son ordination.
Nous voulons nous souvenir d’un Querbes qui répond : Envoie-moi. Nous voulons nous souvenir d’un Querbes qui, inlassablement, aura, sa vie durant, jeté courageusement les filets, ce à quoi, lui aussi nous invite à son tour.
Amen.