Espérance – Confiance – Abandon
Chers frères Chers frères et sœurs en Querbes et saint Viateur,
La nouvelle année est en marche. Une semaine s’est déjà écoulée depuis que notre navette spatiale est rentrée dans l’atmosphère prenant la direction du retour vers la terre de nos projets viatoriens de vie communautaire, spirituelle et missionnaire.
Une semaine depuis que nous nous laissons transporter par nos rêves et nos désirs d’une communauté toujours vivante et présente dans les circonstances qui sont les nôtres et avec la force de vie qui nous habite encore.
Nous abordons le dernier quart de siècle qui nous conduira vers le bicentenaire de la présence viatorienne au Canada.
Nous entrevoyons les années à venir scellées, peut-être, de scepticisme pour quelques-uns, d’appréhension désolante pour d’autres et, pour un grand nombre, d’un sentiment d’urgence avec la nécessité d’échafauder un avenir prometteur en utilisant ce qui nous reste comme ressources et outils.
Le temps de la force, de la toute-puissance et du spectaculaire est révolu. Nous entrons dans une dynamique de marginalité, de vulnérabilité et de fragilité sur le plan à la fois personnel et communautaire.
Les discours actuels dans les anciens foyers viatoriens ont trait au vieillissement, à l’absence de renouveau et de renouvellement dans notre communauté, à l’hostilité face à la foi chrétienne…
Dans les lieux de culture viatorienne plus récente, la vulnérabilité et la fragilité revêtent d’autres visages. Elles se nomment : carence dans la formation, instabilité politique, sociale et économique, maturité affective et émotionnelle, authenticité…
Les extraits de textes de la Parole de Dieu qui ont été choisis nous invitent à l’espérance, la confiance et l’abandon.
ESPÉRANCE – CONFIANCE – ABANDON
Trois maîtres-mots qui s’imposent dans notre aujourd’hui comme Viateurs. Trois révélations pour orienter les pas de notre communauté. Trois formules gagnantes, porteuses d’un réalisme qui permet de surmonter l’éreintement et d’éviter une dispersion de nos énergies et de nos capacités.
Espérance
Aux Romains, Saint Paul insiste sur la vertu de l’espérance qui « ne trompe point ». C’est un appel à la persévérance en dépit des déconvenues et de la brume qui peuvent voiler le soleil et nous empêcher de voir le bon côté de la vie à travers nos difficultés.
De Nietzsche à Sartre, la question du sens de l’existence n’a cessé d’alimenter la réflexion humaine. Pourquoi cette inconsistance de la condition humaine? Pourquoi cette condition irrémédiable de la mort? Pourquoi cette impuissance face à l’injustice de la vie?
Des questions qui laissent certains révoltés, d’autres en proie à la déprime et au désespoir, d’autres enfin avec un sursaut d’espérance qui fait agir et se lever.
L’espérance à laquelle nous sommes appelés aujourd’hui, chers Viateurs, est celle qui nous fait croire que Dieu ouvrira toujours une porte à notre communauté. La route que nous empruntons en rejoignant cette famille dont les racines sont vieilles de 192 ans n’est pas un chemin sans issue et n’aboutit pas à un cul-de-sac.
L’espérance qui nous tient debout, chers Viateurs, est celle qui est enracinée dans la certitude que notre Dieu a toujours pris le parti et le pari de la vie.
Notre espérance est joyeuse et optimiste, car elle est basée sur des acquis irréfutables. Comment croire que trois religieux aussi indécis qu’imprécis, encore chancelants dans leur choix de vie, venus d’un autre continent, ayant peu de formation et de réflexe missionnaire, aient pu jeter les bases durables d’une communauté qui a fleuri et qui fleurit encore depuis bientôt 176 ans au Canada?
C’est au creux de la nuit qu’émerge la lumière. L’espérance doit demeurer le moteur de notre être et de notre agir. Elle ne pourra subsister que dans la mesure où nous savons accueillir notre situation non pas comme une fatalité, mais comme un aiguillon pour faire des pas, à contre-courant peut-être, mais des pas vers la direction de la vie et de la lumière.
Confiance
L’espérance qui doit nous caractériser est ravivée par la confiance. Cette confiance puise sa source dans la Parole donnée par le Seigneur lui-même. Par la bouche du prophète Isaïe, ne nous redit-il pas :
« Moi, le Seigneur ton Dieu, je te tiens par la main et je te dis :
« Ne crains rien, je viens à ton secours. » Is 41, 13
Quelle promesse rassurante pour une communauté aux prises à des défis énormes!
Le Seigneur donne aux Viateurs et à ceux et celles qui espèrent en lui une raison de ne pas avoir peur : NOUS NE SOMMES PAS SEULS. Quoi qu’il arrive, nous pouvons être certains que le Seigneur ne nous fera pas faux bond.
L’histoire de l’humanité regorge de ces situations où le Seigneur s’est montré présent envers et contre tout. Ce qu’Il a fait hier, il le fait aujourd’hui et il le fera encore demain pour nous et pour notre communauté. Il sait utiliser nos détresses, nos défaites et nos luttes pour manifester sa présence et nous révéler sa bonté et sa grandeur.
Au cours des dernières années, nous vous avons invité à entrer dans la confiance. Ce n’était pas un vain mot ni une parole pour apaiser nos angoisses existentielles, mais une invitation à nous réveiller chaque matin enveloppés de la joie invincible qu’apporte Celui qui est la lumière du monde (Jn 8,12).
« Qu’une armée se déploie devant moi, mon cœur est sans crainte; que la bataille s’engage contre moi, je garde confiance (Ps 26,3) »
La confiance des Viateurs s’embellit et se nourrit de tous les instants de bonheur et d’édification de l’être que nous avons contribué à bâtir avec la flamme de l’amour et du don gratuit de soi.
Cette confiance ne se justifie ni dans une arrogance déplacée ni dans une humilité mal placée. Elle est reconnaissance de ce que la grâce du Seigneur a réalisé en nous et par notre communauté.
La confiance nous fera accepter les limites que nous imposent les aléas de la vie. Accepter les limites pour les apprivoiser et les affronter.
Abandon
La confiance renforcée par l’espérance ouvre sur la paix du cœur et nous conforte dans l’abandon au plan de Dieu et dans un lâcher-prise qui apaise.
« Ne soyez inquiets de rien, ne vous souciez pas pour votre vie. » Mt 6,25
Il n’est pas facile de ne pas se soucier de notre futur. Il est tout à fait normal et plutôt responsable de planifier et de faire des projections pour l’avenir afin de mieux gérer nos ressources et anticiper les difficultés. Une fixation trop grande sur nos soucis amène à un repli sur soi, loin des autres et dans un enfermement qui bouche tout horizon.
S’abandonner est un acte de foi. C’est faire un saut dans le vide assuré qu’un parachute s’actionnera en temps opportun qui permettra d’atterrir sans encombre. L’abandon va de pair avec la confiance et s’arrose d’espérance. Dieu prendra toujours soin de nous, de sa communauté aujourd’hui comme hier et quoiqu’il arrive demain. Cela nous fait avancer dans la quiétude, éloignés des préoccupations paralysantes.
Une prière du pape François écrite en mars 2015 s’applique bien à notre situation et soutient notre marche sur le chemin de l’abandon :
« Ne pleure pas sur ce que tu as perdu, lutte pour ce que tu as. Ne pleure pas sur celui qui est mort, lutte pour ce qui est né en toi. Ne pleure pas sur qui t’a abandonné, lutte pour celui qui est avec toi. Ne pleure pas sur celui qui te hait, lutte pour celui qui t’aime. Ne pleure pas sur ton passé, lutte pour ton présent. Ne pleure pas sur ta souffrance, lutte pour ton bonheur. Avec toutes les choses qui nous arrivent, nous apprenons que tout problème a sa solution, il faut simplement aller de l’avant. »
L’abandon au bon vouloir de Dieu fait assumer les situations sur lesquelles nous n’avons aucun contrôle. « Si Bondye vle » dira toujours un Haïtien. Oui, si Dieu le veut. La volonté de Dieu mène tout. Pas fatalisme ou démission, mais cri d’espérance, de confiance et d’abandon.
Chers Viateurs,
Au seuil de cette nouvelle année,
Je vous souhaite
d’être reflets d’espérance et de lumière;
de rester confiants et accrochés à la promesse d’une présence éternelle pour notre communauté;
de savoir lâcher prise et de laisser Dieu guider notre communauté;
d’être une communauté en marche qui n’arrête pas de chercher de voies d’avenir dans un monde en mouvement.Je nous souhaite
d’être présents les uns aux autres et de nous sentir porters et porteuses d’un même charisme à partager et à faire éclater;
d’accepter d’embrasser notre vulnérabilité pour la transformer en puissance de vie;
de nous ouvrir aux dimensions de notre monde et de choisir la vie;
d’être une communauté fraternelle et accueillante;
d’être une présence qui transforme notre environnement et toute notre communauté.En cette année préparatoire au Chapitre général de 2024, puissent les Viateurs du monde entier trouver le souffle qui fera vivre et grandir notre communauté en dépit de nos fragilités et de notre vulnérabilité.
Bonne année 2023 dans l’espérance, la confiance et l’abandon !
Nestor Fils-Aimé, c.s.v.
Source :
Bulletin d’information – Janvier 2023 – No 247 (PDF)