Hommage – Funérailles du Père Paul Charbonneau, c.s.v.

Homélie

Les paroles de l’Écriture qu’on vient d’entendre, je les ai choisies avec Paul lui-même quelques semaines avant qu’il nous quitte. Il me semble qu’elles nous livrent le portrait spirituel de son mystère…

Paul Charbonneau, c.s.v.Paul, c’était Paul que l’on prenait plaisir à taquiner, Paul au grand cœur avec un brin de fraîcheur, qui a gardé toute sa vie les couleurs de son enfance. Il était généreux, fervent, audacieux et souvent imprévisible. Il était comme saint Paul, tout d’une pièce!

Il prenait sa place. On ne pouvait pas l’oublier. Il défendait avec ferveur, avec passion tout ce qui l’inspirait. Que d’échanges, que de discussions sur la vie de l’Église, sur les orientations de la congrégation et surtout sur la politique américaine. Il ne voulait pas que l’on oublie,  jusqu’à la fin, qu’il était bien de citoyenneté américaine même s’il avait passé la majeure partie de sa vie au Québec.

Paul, un ami, un confrère qui savait s’émerveiller. Il avait ses principes, ses convictions qu’on prenait plaisir à remettre en question. On connaissait toute sa famille qui nous visitait et à qui on rendait la pareille. On était chez-nous à leur maison familiale de New Bedford et, quand ils venaient nous voir on les accueillait parce qu’ils étaient des nôtres. On se recevait mutuellement comme les membres d’une même famille et on faisait la fête.

Quand on était chez Paul durant une semaine de vacances à New Bedford, le père disait : « Les petits gars, à quelle heure on dit la messe aujourd’hui. Un prêtre doit dire sa messe tous les jours même en vacances.» Et à tout coup le père, au cours de la célébration, versait des larmes d’amour et d’émotion et répétait : « Que le Bon Dieu est bon pour nous!»

Paul est venu comme ses frères étudier au séminaire de Joliette. Après 7 ou 8 ans, Dieu l’a regardé, lui a fait signe, lui a donné mystérieusement rendez-vous : « Si tu veux, viens, suis moi.» C’est le mystère, c’est le secret d’une vocation! À la suite du Christ, Paul avec quelques-uns de ses confrères de classe décident de faire le pas et d’entrer au Noviciat. Dans ses notes personnelles, Paul écrit : « j’ai pris cette décision les yeux fermés et ma main dans la main de Dieu. C’est toi Seigneur qui choisit…» Devenir prêtre c’était le rêve de son enfance.

Fidèle avec tout ce qu’il était, avec son tempérament bouillant, un peu indiscipliné et marginal, imprévisible et impulsif, avec sa foi inébranlable qui lui venait de ses racines familiales, Paul a enfin réussi en s’investissant de tout son cœur à traverser toutes les étapes de sa formation… non sans épreuves.

« Je le dis, écrit-il, c’est l’esprit chrétien de papa qui nous a transmis ses convictions… il nous a fait prier… il nous accompagnait à la messe presque tous les jours.»

Au lendemain de son ordination, Paul manifeste le désir d’être missionnaire, un autre rêve qu’il porte depuis longtemps. Il rêve au Pérou, il ira étudier à l’Université de Washington… Et c’est au Japon qu’il sera nommé; et il y passera plus d’une quinzaine d’années à servir comme professeur, comme responsable du Collège et comme curé de notre paroisse à Kyoto.

De retour à Joliette, il rendra service quelques années au Centre de Réflexion Chrétienne, à la paroisse du Christ-Roi et aux paroisses des Îles de Sorel et de Berthier et au sanctuaire Notre-Dame de Lourdes de Rigaud. Il sera responsable de la pastorale vocationnelle. Mais son cœur est missionnaire. Il ne manque pas d’audace.

Après une épreuve sérieuse de santé, il se relève avec courage. Il souhaite aller rejoindre nos confrères français et espagnols en  Afrique, plus précisément en Côte d’Ivoire, à la capitale d’Abdijan. Il a aimé les Africains comme il a aimé les Japonais. Plusieurs parmi ses élèves venaient lui rendre visite un peu partout là où il se dévouait. Paul était liant, et d’une nature joviale, débordante et généreuse.

Il n’avait rien à son épreuve, il savait relever généreusement les défis, se remettre en route, se reprendre en main malgré les épreuves de santé qui l’ont surpris au cœur de ses engagements apostoliques et l’ont fragilisé plus qu’il ne le croyait lui-même… Il continuait à rendre des services d’aumônerie auprès de quelques communautés féminines qui l’ont choyé.

Paul a toujours célébré la messe avec une grande piété…, il prolongeait les moments de silence liturgique et multipliait les intentions de prière… On se disait, pour le taquiner, qu’il célébrait à la japonaise, trop lentement pour les Québécois.

À plusieurs reprises nous avons médité ensemble ces paroles de confiance, ces paroles de guérison, souvent en silence…

Si Dieu est pour nous qui sera contre nous. Le Christ, son fils est ressuscité, il est à la droite de Dieu et il intercède pour nous.

Paul voulait mourir. « Je me sens défait. Je n’ai plus de force. Mon corps ne m’appartient plus. Il n’est plus avec moi. La tristesse envahit mon cœur. Je suis prêt à rentrer dans la joie de Dieu…»

Qui pourra nous séparer de l’amour du Christ. J’en ai la certitude rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est en Jésus Christ Notre Seigneur?

À la suite des paroles de saint Paul, Pierre revient et dit à Jésus : «Voilà que nous qui avons tout quitté pour te suivre… que nous réserves-tu?  Tu recevras le centuple ici, et la vie éternelle dans le monde à venir…»

Quand j’ai quitté pour reprendre mes fonctions au sanctuaire de Lourdes, il m’a dit : « Je suis prêt, c’est le temps que je parte. » Qu’il repose maintenant, comme il me le disait dans « la joie de Dieu». La foi nous donne déjà ce que l’espérance nous permet de désirer. Qu’il repose dans la paix!

René Pageau, c.s.v.

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