Hommage – Funérailles de Bernard Sanche, c.s.v.
BERNARD SANCHE (1934-2023)
Homélie
Lettre de Saint Paul aux Éphésiens (4,1-6)
Psaume 138 (137)
Évangile selon Saint Luc (10,38-42)
Il est de ces personnes qui traversent la vie sans réaliser de grands projets, mais leur vie est un beau et magnifique projet, une page d’Évangile écrite au quotidien dans l’ordinaire de la vie de tous les jours.
Bernard a été de ces hommes debout, affrontant la tempête certains jours, sachant s’abriter dans la confiance en son Dieu, source de son espérance indéfectible en un demain toujours ensoleillé.
Avec saint Paul, nous sommes invités à l’humilité, la douceur et la patience. L’humilité n’est pas l’écrasement de soi, la soumission aveugle à une autorité, quelle qu’elle soit. L’humilité est de reconnaître ce que nous sommes, nos forces et nos défis.
Elle appelle à une grande patience envers nous-mêmes, mais aussi envers les autres bien entendu. Humilité et douceur se conjuguent avec accueil et joie de la rencontre, avec la reconnaissance de l’autre dans ce qu’il peut offrir pour que la terre soit plus belle, pour que le monde soit plus juste.
C’est à cette condition que nous arriverons à nous supporter les uns les autres avec amour. J’aimerais mieux dire à nous accueillir dans nos différences et à fêter ce qui nous réunit.
Bernard a été de ces personnes humbles qui ont mis tous leurs talents au service de la vie, au service de la communion fraternelle. Sa fierté était de nous voir heureux de partager ce qu’il avait préparé avec soin.
Mais l’humilité ne voulait pas dire un verre d’eau et une tranche de pain sec. Bernard avait peu de mots pour dire ce qui l’habitait et ce qui lui permettait de s’épanouir. La table bien garnie était son rendez-vous avec les autres, mais aussi avec son Seigneur qui nous a dit de faire mémoire de lui en partageant le pain et le vin.
Calculer le nombre de repas préparés par Bernard est comme tenter de compter les étoiles dans le ciel. Mission impossible. Bernard aimait la table, la garnir, mais aussi s’y asseoir pour bien en profiter. Son talent était de se rappeler les carrés aux dattes pour une, les « reine Élizabeth » pour l’autre, les pâtes d’amande pour les amis, les gâteaux aux fruits pour l’univers. Je ne parlerai pas ici de tous les gâteaux de noces, de 25e, de 50e.
Lorsqu’il préparait ses repas dans le calme certains jours, dans le tumulte certains autres, Bernard parlait à son Dieu. Homme de foi profonde, homme de prière, homme de communion, il a vécu l’évangile jour après jour. « Je te rends grâce pour ton amour et ta vérité », nous dit le psalmiste. « Au milieu des angoisses, tu me fais vivre. » « Le Seigneur fait tout pour moi. »
Voilà l’attitude du frère humble. Remettre sa vie entre les mains de son Dieu. Avons-nous les mains assez ouvertes pour accueillir l’amour que Dieu nous offre ? Oui, Seigneur, je te rends grâce pour cette vie que tu donnes en abondance, je te dis merci pour ce qu’a été Bernard, non pas un saint figé comme une statue, mais quelque chose de l’ordre de la sainteté qui se réalise en brassant la farine, en fouettant le beurre. Car de là surgit du neuf qui convoque à la rencontre.
Luc nous présente le texte de Marthe et Marie. Quand nous demandions à Bernard un texte de la Parole de Dieu, immanquablement il nous parlait de Marthe et Marie. Il savait nous dire qu’il était la Marthe à la cuisine pour que nous puissions être la Marie au pied du Seigneur.
Parfois, il bougonnait un peu se voyant seul dans la cuisine. Il aurait alors aimé être de la fête. Mais, pour lui, sa mission était de nourrir les foules pour que nous puissions exercer notre mission d’éducateur.
Luc nous rappelle que le Dieu de la vie est celui du rythme lent, de la brise légère, du souffle qui anime. Il est aussi le Dieu de Marthe. Sérieusement, quelle est la meilleure part ? Travailler ardemment pour garnir la table ou contempler le Christ.
Faux dilemme. Le Dieu de l’Évangile est celui qui nous ramène à ce que nous sommes, à ce que nous avons à faire pour que le terre s’embellisse… Il n’y a donc pas de meilleur lieu qu’un autre pour rencontrer Dieu.
Madeleine Delbrêl le rappelait quand elle parle de la sainteté. « Il y en a des gens que Dieu laisse dans la masse, qu’il ne « retire pas du monde ». Ce sont des gens qui font un travail ordinaire, qui ont un foyer ordinaire ou sont des célibataires ordinaires. Ce sont les gens de la vie ordinaire. Nous croyons que rien de nécessaire ne nous manque, car si ce nécessaire nous manquait, Dieu nous l’aurait déjà donné. »
Bernard, à l’instar de Marthe, est de ces hommes pleins de Dieu qui ont su travailler l’ordinaire pour permettre à la lumière de Dieu de se répandre en toute tendresse et vérité.
Humilité, douceur, patience, action de grâce, service gratuit. Voilà les marques de commerce que Dieu a imprimées dans le cœur de Bernard. Elles se sont traduites par les mots engagement, communion, service attentionné, accueil sans limites… Seigneur, aujourd’hui, suivant le modèle de Bernard, fais en sorte que « n’arrête pas l’œuvre de tes mains. »
Jean-Marc St-Jacques, csv
2 février 2023