Hommage – Funérailles du Frère Albert Bélisle, c.s.v.
Homélie
Chers confrères, parents et proches du frère Albert Bélisle,
Nous voici rassemblés autour de la dépouille d’un confrère peu connu de plusieurs et qui, pour ceux qui ont vécu avec lui, demeure un personnage énigmatique à bien des égards.
Généreux de son temps et de ses efforts, simple d’approche quoiqu’un peu distant et souvent difficile à décoder dans ses opinions, travaillant sans bruit, mais inlassablement, Albert pouvait être déconcertant dans ses réactions, dans ses décisions et, parfois même, dans ses entêtements.
(À titre d’exemple : au Collège Bourget de Rigaud, au terme de la troisième année d’enseignement d’Albert dans cette institution, le père Jean Chaussé, directeur général d’alors, annonce à notre frère Bélisle que le Comité de Régie lui accorde sa permanence d’emploi).
Une bonne nouvelle en soi qu’attendent avec impatience ses collègues en pareille situation d’emploi. Albert ne veut pas de cette permanence sous divers prétextes : il ne la mérite pas, ou encore, il se sentirait ainsi trop lié pour l’avenir… etc. Qui sait! Toujours est-il qu’au cours de l’été qui suit, on le retrouve en Basse Côte-Nord du Saint-Laurent, où il réussit à dénicher un poste pour une année, dans une classe regroupant des élèves en difficulté d’apprentissage scolaire.
Pendant plus de cinq ans, il œuvre dans cette région, à Hâvre Saint-Pierre d’abord, puis en Minganie et à Baie Johan-Beetz, sans aucune sécurité d’emploi d’une année à l’autre… Ainsi pouvait parfois agir notre ami !)
Mais au total, il aura été par ailleurs d’un grand secours pour les jeunes confiés à ses bons soins, dévoué, imaginatif, créatif même dans ses méthodes d’enseignement et d’éducation. Et il aura été une personne désireuse de servir ses frères et la mission viatorienne.
Personnellement, j’ai fort apprécié son aide technique en informatique et en documentation sur la musique liturgique lors de son passage de quelques années à Sainte-Luce-sur-Mer dans les années 1990.
(Je puis même ajouter qu’il aura été un pilier important dans l’équipe viatorienne formée par la Grande Maison à la suite d’une demande du diocèse de Rimouski. Sur une période trois années, en préparation de l’Avent et du Carême, des sessions étaient animées par cette équipe dans chacune des cinq zones de ce diocèse très étendu. Le frère Albert avait mission de trouver matière à enrichir les chorales paroissiales en matière de chants liturgiques. Et il a fort bien rempli cette tâche.)
À la lumière des textes retenus pour notre célébration de ses obsèques chrétiennes, arrêtons-nous à considérer l’engagement du frère Bélisle au niveau de sa foi en Dieu et de son esprit de service.
Dans la première Lecture, nous avons entendu, tirée de l’Ancien Testament, une phrase percutante, incisive, du saint homme Job, selon la traduction de la Bible de Jérusalem :
Oh! je voudrais qu’on écrive mes paroles,
qu’elles soient gravées en une inscription
avec le stylo de fer et le stylet sculptées dans le roc pour toujours!
Voilà une façon de dire l’importance que Job apportait à son message : qu’il soit gravé à tout jamais dans la pierre… Et il continue ainsi :
Je sais, moi, que mon Défenseur est vivant,
que Lui, le dernier, se lèvera sur la terre.
Après mon éveil, Il me dressera près de Lui
et, de ma chair, je verrai Dieu.
La conviction profonde de Job, c’est que de ses yeux, il verra Dieu.
Et il termine par un mot sur la proximité de ce Dieu :
Celui que je verrai sera un don pour moi.
Celui que mes yeux regarderont
ne sera pas un étranger.
Cette conviction prononcée par Job, je crois que nous pourrions la mettre sur les lèvres d’Albert. Toute sa vie, il a manifesté une foi simple, priante, vive et éclairée par sa relation à Dieu, dans les épreuves et les contradictions, tout comme dans la joie candide d’un enfant quand il était particulièrement heureux, et qui se manifestait ostensiblement chaque fois qu’il retrouvait sa vieille maman. Retenons donc d’Albert cette foi en Dieu qui a sans doute été le moteur essentiel de toute sa vie religieuse.
Dans l’évangile proclamé par la suite, saint Luc, reprenant les paroles de Jésus nous dit ceci, toujours selon la traduction adoptée par les auteurs de la Bible de Jérusalem :
Tenez vos ceintures attachées aux reins et vos lampes allumées. Soyez semblables à des gens qui attendent leur maître à son retour de noces, afin de lui ouvrir dès qu’il viendra et frappera à la porte. Heureux ces serviteurs que le maître à son arrivée trouvera fidèles à veiller.
En vérité, je vous le dis, il se ceindra, les fera mettre à table et, passant de l’un à l’autre, il les servira. Qu’il vienne à la seconde ou à la troisième veille, s’il trouve les choses ainsi, heureux seront-ils. Tenez-vous prêts vous aussi, car c’est à l’heure que vous ne pensez pas que le Fils de l’homme viendra.
Vendredi dernier, la veille du jour où Albert quittait le Centre Champagneur pour entrer au Centre Hospitalier Régional de Joliette, son bon ami depuis plus d’un demi-siècle, le frère Paul-Eugène Cournoyer, lui fait une courte visite et le trouve très affaibli.
Au moment où cet ami met fin à cette brève rencontre, ce n’est pas un «Au revoir» qu’il reçoit d’Albert, mais un « Adieu », comme s’il pressentait son départ imminent pour le « grand voyage ». Il se sentait prêt !
Bien sûr, cet évangile des serviteurs fidèles peut s’appliquer au moment où le Seigneur viendra chercher chacune et chacun d’entre nous, mais il peut aussi questionner, sonder notre disponibilité à servir face aux sollicitations qui jalonnent notre vie et nos activités.
En ce sens, il me semble que pour relire les soixante-sept années de vie religieuse du frère Albert Bélisle, le plus juste critère qui saura nous écarter des appréciations superficielles sera celui des nombreux services rendus aux jeunes, à nous ses frères et à notre congrégation.
Que le Seigneur reçoive dans sa Paix et sa Joie son fils Albert !
Mathieu Bard