Le maître des novices

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Courrier Querbes – Automne 2014 – IX,2 (PDF).

Étienne Champagneur

Étienne ChampagneurEtienne Champagneur (1808-82) a fait ses vœux perpétuels le 18 avril 1847, la veille de son départ de Vourles pour le Canada. Il avait alors 39 ans. Sa mission chez nous a duré 26 ans et 4 mois, soit du 28 mai 1847 au 28 septembre 1874. Il a été maître des novices pendant tout ce temps, sauf en trois courtes occasions, remplacé « à la volée » par le confrère alors le plus offrant.

Si bien que l’année de son retour en France, à peu près tous les Viateurs canadiens avaient été formés par lui. Il a été, en outre, supérieur de la Mission du Canada jusqu’en 1870, sauf l’année de supériorat du P. Lahaye (1848-49). Pressé par les événements, il accepta le 9 septembre 1849 l’épreuve du sacerdoce pour répondre à la volonté de Mgr Bourget qui tenait à mettre un prêtre à la tête du Collège Joliette.

Portrait

Le confrère Gaston Pinard a laissé du P. Champagneur un portrait saisissant et d’une grande justesse pour qui connaît d’un peu près les diverses péripéties de son aventure au Canada :

« Avec son physique taillé à la hache, écrit-il, ses manières sans apprêts et son tempérament passionné, il tient plus du campagnard que de l’homme de cour. Voilà un être vrai, sans complaisance, souriant peu, jonglant beaucoup, peu flexible, mais endurant comme un bœuf au labour et donnant sa mesure à long terme. L’imagination est vive mais renfrognée. Il s’en méfie. Il a besoin de voir venir pour décider; c’est pourquoi il ne recherche pas les premières places. Il a un côté bougonneux qu’il a du mal à maîtriser. »

Supérieur des C.S.V. au Canada

Le poste de supérieur de l’obédience canadienne, il s’en serait bien passé, n’eût été l’insistance du P. Querbes et de Mgr Bourget. Il l’a porté comme une croix tout au long des années, convaincu qu’il n’avait pas les qualités requises pour remplir le rôle. Plus d’une fois, il a demandé qu’on le soulage de ce lourd fardeau! Tandis que la charge de maître des novices convenait à sa nature profonde, prédisposée d’emblée à l’intériorité. C’est vraiment à ce poste qu’il a pu donner sa mesure.

Maître des novices

Comme maître des novices, il s’affiche « gardien et défenseur de la tradition de Vourles », tradition fort bien décrite dans le Directoire de 1836 et vécue par lui au Noviciat sous l’aile bienveillante du Père Liauthaud. « Notre maison marche sur le même pied que la maison-mère, écrit-il au P. Querbes. On y fait les mêmes exercices, on se lève, on se couche aux mêmes heures, on a pris le même costume. Pour que nous puissions réussir au Canada, il faut que nous soyons bien fidèles à notre règle et bien unis entre nous; autrement, tout disparaîtra en fumée. » Tout cela vécu dans l’exiguïté de « la p’tite école entre les deux pins » et dans d’autres logis plus ou moins appropriés avant de prendre place dans la superbe bâtisse du Noviciat de 1860.

Formation à une vie spirituelle rigoureuse

La discipline rigoureuse qu’il promeut s’avère à la longue garante de fruits abondants à condition qu’elle devienne autre chose qu’une routine, le lieu d’une vie spirituelle fervente, nourrie aux meilleures sources : l’Écriture sainte, l’Imitation de Jésus-Christ, l’Introduction à la vie dévote de saint François de Sales, Rodriguez, etc. Sans oublier la prise en notes de ses conférences du matin, textes qui seront publiés plus tard en deux tomes sous le titre de « Méditations ».

Capable de souplesse

Rigoureux, Champagneur l’est d’abord pour lui-même mais aussi pour les autres, non sans quelques ménagements, du reste, quand la situation l’exige. On l’a vu écourter ou prolonger l’année du noviciat de certains sujets, accepter pour répondre à un besoin impérieux que tel novice enseigne pendant son temps de formation – à condition qu’il ne sacrifie rien de ses exercices.

Devant une recrue prometteuse, il lui est même arrivé de lui permettre l’usage du tabac, la privation de la pipe devenant chez le candidat l’équivalent d’une intolérable torture. Ajoutons que le regard canonique de l’époque n’était pas trop perçant et que la distance où se trouvait Rome permettait certaines choses. N’usait-on pas de la même liberté à Vourles? Chez le P. Champagneur, il arrivait que l’homo praticus parle plus fort que  le théoricien.

Retraite en France

Revenu à son pays d’origine et même avant, il aimait se remémorer le temps passé auprès de ses futurs religieux. « Qu’elles étaient belles, écrit-il dans les Annales du Noviciat (1870), ces journées où tous les moments étaient employés pour la sanctification de chacun et pour la gloire de Dieu!  Qu’il était beau et édifiant de voir ces jeunes novices si fidèles à la règle et au silence ! Que leurs récréations toutes fraternelles étaient douces et agréables en même temps qu’édifiantes!  Quelle charité et quelle bonté les uns pour les autres! »

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