Porteurs de vie et d’espérance
L’exil, pour se re-créer
Ce mois de juillet donne lieu à d’intenses bouleversements et de grands chambardements au sein de la communauté viatorienne dans la province canadienne.
L’heure du départ d’Outremont a sonné. C’est le branle-bas de combat pour la relocalisation des confrères et de la direction provinciale.
Dans le bulletin du mois de mai, je vous avais demandé d’identifier des signes de résurrection dans notre communauté.
Les confrères qui ont répondu n’ont pas manqué de mentionner ce nouveau souffle qu’entraîne notre départ du secteur d’Outremont.
L’exil a toujours été un tremplin pour se réorganiser, se re-fonder et se re-créer. À travers ce déracinement, malgré le déchirement que cela provoque, du neuf émergera pour le plus grand bien de notre communauté.
Certains confrères ont aussi souligné la plus grande solidarité et le sens du service engendrés par la pandémie.
On expérimente la délicate attention de l’un ou l’autre des confrères, le soutien mutuel et la profonde communion à l’intérieur des murs où nous sommes demeurés cloîtrés pendant plusieurs mois.
Que d’événement douloureux
Au cours du dernier mois, que d’événements douloureux ont été vécus dans nos différents milieux viatoriens.
Parlons seulement du Canada et d’Haïti sans oublier le drame des Burkinabé et l’incertitude angoissante des Péruviens.
Au Canada
Le Canada est secoué par la découverte, par des archéologues, de fosses communes où étaient inhumés des enfants autochtones. Il n’en fallait pas plus pour que l’Église catholique soit taxée de « génocidaire » parce que des congrégations ont eu à gérer des pensionnats que fréquentaient ces enfants.
Sans entrer dans les analyses du degré de responsabilité des communautés religieuses ou de l’Église catholique, deux écueils majeurs doivent être évités : l’anachronisme et le réductionnisme.
On sent une montée des passions qui dénaturent ou altèrent les faits. Un journaliste demandait récemment à une commissaire de la Commission Vérité et Réconciliations si, finalement, les « bonnes sœurs et bons pères n’étaient pas des monstres ». La réponse fut: « Je ne veux pas porter de jugement. La seule chose, ils savaient que ce qu’ils faisaient n’était pas bon. »
Soyons à l’écoute du temps avec humilité, mais ne cédons pas à une auto-flagellation inconsidérée et insensée.
En Haïti
Haïti s’est réveillé le matin du 7 juillet avec la nouvelle de l’assassinat de M. Jovenel Moïse qui s’était maintenu au pouvoir en dehors de toutes les normes démocratiques. Si cet acte ignoble révolte la conscience humaine et mérite d’être dénoncé, il ne saurait cependant conférer un statut de martyr à M. Moïse qui a sciemment entretenu cette violence afin de se maintenir au pouvoir.
C’est le même Jovenel Moïse qui a fait l’objet de dénonciation de plusieurs instances tant nationales qu’internationales (Conférence religieuse canadienne, Conférence latino-américaine des religieux-ses, Conférence épiscopale d’Haïti, Conférence haïtienne des religieux-ses…).
Le même qui a détruit ou sabordé toutes les institutions étatiques (Cour Supérieure des Comptes, Conseil supérieur du Pouvoir judiciaire, Parlement…). Le même qui a écrit sa propre Constitution et décidé de l’organisation d’un simulacre de référendum pour l’imposer. Le même qui a formé son conseil électoral pour organiser ses élections.
Le même qui a toléré la fédération des gangs qui organisent des rapts et terrorisent la population. Le même qui venait, le 6 juillet, en violation totale de la Constitution, de donner décharge à tous les ministres qui avaient géré des fonds de l’État de 1991 à 2021 alors que plusieurs d’entre eux, y compris lui-même, ont été indexés dans la dilapidation de plus de 4 milliards de dollars des fonds « Petrocaribe ».
Que de personnes ont été assassinées ces derniers temps! Oui, il faut condamner l’assassinat de M. Jovenel Moïse, mais on ne peut taire les cris de tous les Dorval, St-Hilaire, Joseph, Duclaire, Geffrard, Charles… Certains attendent encore d’être inhumés.
« Porteurs de vie »
Chers Viateurs, toutes formes d’injustice doivent nous révolter.
Nous soulignerons le 175e anniversaire de l’arrivée au Canada des premiers Viateurs en nous identifiant comme des « porteurs de vie ».
Armons-nous de courage pour dire la parole qui fait vivre et qui remet tout être humain dans sa dignité.
Notre situation actuelle ne ressemble-t-elle pas à celle de l’Église postpascale attendant la Pentecôte?
C’est une belle occasion de purification et dépouillement qui nous entraînera vers des lendemains nouveaux et plus beaux.
Bonne poursuite !
Nestor Fils-Aimé, CSV
Supérieur provincial
Source :
Bulletin d’information – 15 juillet 2021 – No 236 (PDF)