Homélie prononcée à la fête provinciale de la Saint-Viateur

Depuis le début de l’année, nous ne cessons d’entendre l’appel fondamental à bâtir la fraternité authentique et à oser une joyeuse fraternité. J’ai entendu bien des commentaires sur l’ « authentique » et la « joyeuse ». Soyez sans crainte, je ne chercherai pas à expliciter ces expressions. Elles font leur chemin dans nos vies et nous aident à bâtir cette communion essentielle à notre témoignage de serviteurs de la Parole.

Saint-Viateur

Fêter la Saint-Viateur, c’est bien sûr souligner ce que nous sommes et ce que nous réalisons comme communauté. Mais c’est encore plus prendre de nouveau conscience qu’à sa suite nous sommes de réels artisans de l’annonce d’une Parole de Dieu qui rejoint les femmes et les hommes de notre temps sur leur terrain, celui de l’ordinaire de leur vie de tous les jours.

Ce matin, nous insistons sur le projet fondamental du Christ pour nous : aimons-nous les uns les autres ! Voilà le cœur bien simple de la mission qui nous est confiée comme Viateurs. Porter au monde la tendresse du Père pour ses créatures, sa terre, son univers. Assurer chacun que Dieu ne les oublie pas, qu’il marche avec nous, qu’il est là dans nos moments de détresse, mais aussi dans nos célébrations festives, dans la manifestation de la joie qui nous habite, celle des femmes et des hommes libérés que nous sommes comme fils et filles de Dieu.

Je voudrais m’attarder à trois mots qui colorent cet amour des autres, qui donnent vie à la fraternité tant recherchée. Je les puise dans une lettre du pape François qu’il a écrite cet été sur le rôle de la littérature dans la formation, une lettre que nous aurions avantage à lire comme éducateurs au beau et merveilleux de la vie. Les trois mots sont : écoute, émerveillement, empathie. Les trois E de la fraternité ce matin.

« N’oublions pas, écrit le pape François, combien il est dangereux de ne plus écouter la voix de l’autre qui nous interpelle! On tombe immédiatement dans l’auto-isolement, on entre dans une sorte de surdité « spirituelle ». Écouter, se mettre à l’écoute. Pas entendre, mais écouter. Prenons-nous vraiment le temps d’écouter ce que nos sœurs et frères ont à dire, ce qu’ils vivent, ce qu’ils ressentent ?

L’écoute est une attitude fondamentale dans la construction d’une fraternité qui se veut aimante, pleine de sollicitude. Sommes-nous des êtres d’écoute, sensibles aux joies des autres, sensibles aux misères que vivent trop de nos frères et sœurs en humanité ? Oui, il y a bien des gens qui vivent une solitude profonde et certains sont peut-être autour de nous. Pour nourrir notre prière et alimenter notre spiritualité, mettons-nous à l’écoute de ce que vit notre monde, notre société, notre Église, notre famille viatorienne.

Dans la même lettre, le pape François ajoute : « Le problème de la foi aujourd’hui n’est pas avant tout de croire plus ou moins aux propositions doctrinales ». Le problème se trouve plutôt dans « l’incapacité de nombre de personnes de s’émouvoir devant Dieu, devant sa création, devant les autres êtres humains ». S’émouvoir, se laisser toucher au cœur de ce que nous sommes, vivre ce cœur à cœur avec les autres, avec la création, avec notre Dieu. Si je vous demandais ce matin : quand est la dernière fois où vous avez souri à la vie ? Quand vous êtes-vous émerveillés devant un geste posé, une parole dite, un événement vécu ?

Avons-nous perdu notre regard d’enfant, celui qui fait un royaume avec deux bouts de bois ? Notre pape François jette un regard de bonté sur notre monde, ce qui ne l’empêche pas de dénoncer les injustices, les inégalités sociales, la violence sous toutes ses formes. Non, au-delà de cela, il voit la femme, il voit l’homme, il voit l’enfant. Et il s’émerveille. Dans nos attitudes au quotidien, nous sommes invités à nous émouvoir devant parfois la banalité, mais souvent devant les petits miracles, ces clins d’œil de Dieu qui nous sont adressés si nous savons regarder, écouter, sentir le monde… Soyons ensemble des porteurs d’une Bonne Nouvelle : le Christ est ressuscité, la vie a un sens. Alors, agissons pour que cela transparaisse dans notre manière d’être et d’agir jour après jour.

Le pape en rajoute encore. S’inspirant de l’importance de la littérature, il dit qu’elle « active en nous le pouvoir empathique de l’imagination ». Pour lui, si nous voulons vivre la solidarité et la miséricorde, il faut oser l’empathie, cette attitude fondamentale qui donne toute la place, du moins une grande place, à l’autre, à celui qui est loin comme à celui que nous côtoyons dans les longs corridors de nos maisons. Cette empathie est un autre mot d’un amour vrai qui reconnaît l’autre dans sa différence et qui est appel à bâtir ensemble les conditions d’une vie heureuse, simple et belle.

Avec ses trois E (écoute, émerveillement, empathie), ne pourrions-nous pas laisser aller notre imagination créatrice pour faire place à des célébrations et des temps de prière empreints de beauté, connectés au vécu des uns et des autres, ouverts sur le monde ? Ne pourrions-nous pas faire de notre table un lieu festif de joyeuse fraternité qui se traduit par de petites délicatesses et beaucoup de tendresse ? Ne pourrions-nous pas faire de nos communautés des lieux où il fait bon vivre dans le respect, l’accueil, la reconnaissance, le pardon ? Ne pourrions-nous pas ouvrir nos portes, celles de nos cœurs comme celles de nos maisons, pour entendre le cri du monde et partager la richesse de ce que nous sommes et de ce que nous avons ?

Oui, en cette fête de la Saint-Viateur, je nous invite tous et toutes à oser la joyeuse fraternité, à croire en demain et à marcher en toute confiance et espérance.

Bonne Saint-Viateur !

Jean-Marc St-Jacques, c.s.v.
Supérieur provincial

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