Hommage – Funérailles du Frère Clément Vézina, c.s.v.
CLÉMENT VÉZINA (1931-2020)
Homélie
Chers amis,
La disparition d’un être cher fait naître en nous différents sentiments. La vivacité de nos réactions dépend d’un certain nombre de facteurs qui vont de la force des liens qui nous unissent à la personne qui nous quitte jusqu’à l’âge et les conditions dans lesquelles s’inscrit son départ.
Nous voici ce matin, venant d’un peu partout, de Montréal, Laval, Rigaud, Joliette, Lévis, Québec, New-York, Connecticut, la Floride et même d’Haïti.
Nous venons honorer la mémoire d’un homme qui a vécu une belle vie de 89 ans. Au-delà de l’âge, la vie de notre frère Clément a été belle parce qu’elle a été toute entière au service de la Parole de Dieu et de ses frères et sœurs.
Les textes que nous avons choisis correspondent à l’idéal que le frère Clément Vézina a toujours poursuivi. Sa vie a été une de confiance dans le Seigneur comme l’indique le livre de la Sagesse :
« Ceux qui mettent leur confiance dans le Seigneur comprendront la vérité; ceux qui sont fidèles resteront avec lui dans son amour, car Dieu accorde à ses élus grâce et miséricorde. »
Voilà la source du bonheur de Clément !
Voilà ce qui a marqué tous ses projets, ses engagements et les orientations qu’il a prises.
Le parcours de vie du F. Clément est auréolé d’engagements et d’options qui vont dans le sens d’une attention aux plus petits, ceux et celles qui sont décrits dans l’évangile qui vient d’être proclamé.
Ces personnes-là qui ont faim et soif, qui sont des étrangers, des immigrants, des gens qui manquent de tout, qui sont malades, prisonniers de tout genre… Oui, les gens de la marge et des périphéries existentielles.
Les paroles de cet hymne du bréviaire reprises hier soir à l’occasion de la veillée trouvent écho dans la vie et l’action de Clément :
Frappe à ma porte, toi qui viens me déranger.
Frappe à ma porte, le cri de tous mes frères.
Frappe à ma porte, le cri de tes affamés.
Frappe à ma porte, la chaîne du prisonnier.
Frappe à ma porte, Toi, la misère du monde.
Le F. Clément Vézina était un homme entier qui ne faisait pas dans la demi-mesure, l’approximatif, la compromission. Ses choix, qu’ils soient d’ordre politique, idéologique ou sportif étaient on ne peut plus clairs et justifiés.
Nous nous entendions sur beaucoup de points à part qu’il a été un ardent partisan des Nordiques de Québec et moi je prenais le parti des Canadiens de Montréal et je suis un admirateur de Serena Williams que Clément n’aimait pas. Et quand Clément aime, il aime. Quand il n’aime pas, il n’aime pas. Ceux qui connaissent ses options souverainistes en savent quelque chose.
Homme de devoir et un tenant de la perfection et de l’excellence, Clément ne pactisait pas avec la paresse et l’insouciance. Il ne faisait pas de quartier à la magouille, la tricherie et la médiocrité.
Je vous parle d’un homme fidèle qui a porté et supporté jusqu’au bout les gens qu’il a aimés.
Je vous parle d’un homme de grande conviction qui ne renie ni ne change ses idées au gré du vent.
Je vous parle d’un frère qui aurait pu être mon père (il est de 8 mois plus vieux que mon papa). Il a toujours voulu mon bonheur personnel et me vouait une appréciation sans limites.
Je vous parle d’un ami qui avait une grande confiance en moi et n’a jamais douté de moi même dans les moments les plus difficiles.
Je vous parle d’un religieux qui vivait bien simplement et qui se donnait tout entier à la communauté viatorienne.
Je vous parle d’un confrère qui portait le souci d’une communauté qui réponde à sa mission d’être prioritairement au service des jeunes et des laissés-pour-compte.
Son expérience au Témiscouata dans le JAL1 a alimenté des années de conversation dans mon lointain pays d’Haïti.
J’ai connu sans les avoir rencontrés des gens exceptionnels qui ont marqué la vie de mon confrère : Maurice Gendron, son beau-frère Roméo Bissonnette et autres membres de sa famille comme cette nièce, Claire Bissonnette avec laquelle, il me mit en contact alors que nous nous retrouvions au collège Bourget à Rigaud.
Je vous parle d’un bâtisseur de lumière qui affrontait les obscurités et s’élevait contre l’arbitraire, la dictature, l’injustice sociale.
Les confrères haïtiens l’appelaient, à son insu, « De guerre », car il était toujours sur un pied de guerre contre les « tontons macoutes », les militaires corrompus qui se faisaient les bourreaux de leur peuple, les responsables religieux trop proches des gouvernements dictatoriaux qui se sont succédé en Haïti.
Je vous parle d’un citoyen du monde qui ne juge pas les gens à leur origine, la couleur de leur peau ou leur richesse. Je n’ai jamais entendu une parole ou une remarque de Clément faisant référence à l’apparence ou à la supériorité sociale ou économique d’une personne.
Je vous parle d’un Éducateur (avec grand « E »), un passionné qui a marqué durablement des centaines de vies. La présence, hier soir et ce matin de plusieurs anciens élèves du collège Immaculée-Conception de Gonaïves en Haïti témoigne de cette empreinte de Clément sur des générations d’Haïtiens.
Je vous parle de mon ange gardien qui veillait jalousement sur moi, son protégé, se réjouissait de mes succès et compatissait à mes peines.
Je vous parle d’un philosophe qui s’est fait la mauvaise conscience de son temps en fustigeant l’arrogance des fossoyeurs de l’espoir.
Merci, Clément, pour cette vie débordante d’amour, merci pour ta présence au rendez-vous de la justice, la dignité et le bonheur de tout être humain.
Merci d’avoir été ce témoin d’un amour qui dépasse toutes les frontières.
Merci de nous avoir rappelé sans cesse que Dieu marche avec les pauvres et les plus petits.
Que le Christ te prenne avec lui et te redise au plus profond de ton cœur : « Viens, béni de mon Père, reçois en héritage ce qu’Il a préparé pour toi depuis la création du monde »
Amen !
Nestor Fils-Aimé, c.s.v.
Supérieur provincial
22 janvier 2020