Année de la vie consacrée : vœu de pauvreté
Introduction
Dans une société nord-américaine qui encourage la productivité à tout prix et la consommation à outrance, voilà que des hommes et des femmes prononcent un vœu de pauvreté… paradoxe incompréhensible ou défi évangélique? À chacun d’en juger… Une vision large, à la fois spirituelle et humaine de ce vœu pourra sûrement aider chacun à s’en faire une idée plus appropriée.
Le plus grand bien : le Christ
Les religieux professent de suivre Jésus Christ. Pour reprendre une image évangélique, ils ont trouvé dans le Christ le plus grand bien imaginable, le Royaume de Dieu.
Un tel engagement invite le religieux à atteindre la liberté totale par rapport à tout ce qui n’est pas Dieu. On comprend alors que la profession de la pauvreté est le début d’un processus qui dure toute la vie.
Salut et évangélisation
En ce sens, le vœu de pauvreté invite d’abord à un cheminement spirituel au cours duquel le religieux prend conscience de la finitude de la condition humaine (limites personnelles, souffrance, mort). Arrive un moment où il reconnaît sa pauvreté personnelle, celle qui lui est intime.
Il se tourne vers Dieu qui le comble d’un don extraordinaire, le salut en Jésus Christ. Le religieux se remet alors entre les mains de Dieu. Cet acte continu de foi le fait entrer dans un régime de confiance envers le Père qui a soin de tous et de chacun de ses enfants.
La personne consacrée peut ainsi dompter les peurs qui peuvent le tirailler, comme celle qui alimente la tendance à accumuler des biens de toute sorte. La confiance en Dieu fait aussi croître la liberté authentique qui permet au religieux de prendre une distance par rapport aux biens de ce monde et de se vouer plus que jamais à la mission de l’évangélisation.
Des rêves plus grands que ce l’avoir peut offrir
Confiance, abandon à Dieu, nous voici dans le domaine de la conscience de la pauvreté de l’être ou pauvreté spirituelle, qui seule peut nous amener à une authentique pauvreté de l’avoir. Pour les religieux qui s’y engagent, il ne s’agit pas de dépenser le moins d’argent possible, mais d’affirmer la précarité des choses et surtout leur impuissance à donner à l’être humain la plénitude de vie dont il rêve.
Confiance, partage et simplicité de vie
Comme pour le vœu d’obéissance, la communauté dans laquelle le religieux s’engage sert de médiation pour la mise en pratique de la pauvreté. Confiants en Dieu, sûrs du soin dont les entoure la Providence divine, les religieux remettent à leur communauté tout ce qu’ils reçoivent et acquièrent (salaire, pensions, dons).
En retour, la communauté assure à ses membres ce dont ils ont besoin pour vivre. Ce partage des biens a été pratiqué par les premiers chrétiens, comme le relate le livre des Actes des Apôtres. Elle implique le renoncement par chaque religieux à son droit naturel de propriété (à l’exception des biens patrimoniaux). Ce renoncement a un caractère prophétique dans une société où l’enrichissement individuel est proposé comme l’un des premiers buts de l’existence.
De plus, cette communauté matérielle réalise une utopie inscrite dans le cœur humain, l’assurance que chacun reçoit tout ce dont il a besoin pour vivre et que les biens terrestres sont partagés équitablement pour le bien-être de tous. Enfin, les religieux s’engagent à vivre un style de vie simple qui les amène à contester la société de consommation.
Solidarité et… libération des pauvres
L’engagement à la libération des pauvres est une autre facette du vœu. Si Dieu nous veut libres, il veut aussi « qu’il n’y ait pas de pauvre chez toi… tu lui ouvriras ta main et lui prêteras ce qui lui manque » (Dt 15,4.7-8). Les religieux sont invités à partager avec les pauvres leurs richesses d’être et d’avoir. Ils sont aussi appelés à devenir solidaires d’eux dans leur lutte contre les conditions qui favorisent leur maintien dans la pauvreté.
Signe de l’Évangile
Enfin, en vivant ce type de pauvreté, les religieux deviennent pour le Peuple de Dieu un signe vivant de valeurs fondamentales de l’Évangile, le bon usage et le partage des biens, la simplicité de vie, l’abandon au Père et la lutte contre la pauvreté.
La “perle précieuse” de l’Évangile
À la richesse et à l’argent, Jésus oppose non pas la pauvreté matérielle mais bien la confiance dans le Père et la liberté. Comme le P. Querbes avait raison d’affirmer régulièrement que « Dieu y pourvoira ». Il nous montrait ainsi l’exemple d’une foi « vive et éclairée » qui reconnaît en Dieu la « perle précieuse » ou le trésor pour lequel il vaut la peine de tout vendre pour l’acquérir.
Source :
Bulletin d’information no 181 (PDF).