Apprends-nous la vraie mesure de nos jours
Cet extrait du psaume 89 se veut un appel à l’humilité et à la reconnaissance de nos limites. L’être humain est généralement enclin à ne pas accepter ses déficiences, car ce qui est vendeur et valorisant tient souvent à la logique de la force, de la jeunesse et de l’immortalité.
Les personnes qui regardent la télévision québécoise connaissent peut-être cette série du Canal Moi et Compagnie intitulée : « Chirurgie botchée ». On y voit les docteurs Paul Nassif et Terry Dubrow s’affairer à réparer les dégâts causés par des charlatans qui ont effectué des interventions chirurgicales sur des patients qui voulaient rajeunir ou améliorer leur apparence corporelle.
L’obsession de la beauté et le refus de vieillir ont beaucoup conditionné et influencé les comportements et les décisions des humains. Dans la mythologie romaine, Jupiter, dieu suprême du ciel et de la terre, est réputé avoir transformé la nymphe Jouvence en une fontaine possédant un pouvoir de régénération. Ainsi, pour retrouver sa virginité, la déesse Junon allait s’y baigner tous les ans.
Certains discours nous font parfois penser à cette illusion d’invincibilité et d’éternité, ce syndrome de l’éternelle jeunesse qui nous fige et nous empêche de faire face à la réalité. On se ferme les yeux à la manière d’un enfant qui se cache le visage dans les paumes de sa main, convaincu de ne pas être vu par les autres.
Blaise Pascal, grand mathématicien-physicien-philosophe et théologien français du XVIIe siècle parlait de la disproportion de l’homme pris entre deux abîmes : l’infini et le néant.
« … qu’est-ce que l’homme dans la nature? Un néant à l’égard de l’infini, un tout à l’égard du néant, un milieu entre rien et tout, infiniment éloigné de comprendre les extrêmes… ».
Et le philosophe nous invite à la sagesse :
« Connaissons donc notre portée. Nous sommes quelque chose et ne sommes pas tout. »
Reconnaître notre vulnérabilité n’est pas une tare, mais un acte de lucidité et d’intelligence. Cela nous permet d’appréhender et d’apprécier le présent à sa juste valeur et nous éviter de nous enfarger dans des histoires qui ne correspondent pas à nos capacités.
Apprends-nous la vraie mesure de nos jours (Ps 89,12)
Le psalmiste nous interpelle comme Viateurs et nous incite à nous regarder pour évaluer nos forces et nos faiblesses. Le refus d’accepter une phase d’accomplissement pour l’apprivoiser et la sublimer crée une distorsion entre ce qui se vit au quotidien et ce qui n’est qu’idéalisation et utopie.
Il nous faut secouer toute force d’inertie qui nous paralyse, mais aussi nous conformer aux limites que nous imposent nos conditions actuelles d’existence. Il nous faut avancer en étant immunisés contre tout excès et tout biais pouvant occasionner angoisse et désillusion.
C’est ainsi que nous pouvons crier au Seigneur :
« Consolide, pour nous l’ouvrage de nos mains (Ps 89,17) »
« N’arrête pas en l’œuvre de tes mains (Ps 137,8) »
Nestor Fils-Aimé, c.s.v.
Supérieur provincial
Source :
Bulletin d’information – Novembre 2023 – No 253 (PDF)
