Au bord de la rivière des Prairies
Nous voilà presque parvenus à la fin d’un cycle qui aura fortement marqué notre communauté. Confrontés à notre finitude, nous avons vu défiler les temps de gloire et de conquêtes, de puissance et d’insouciance, les temps où l’horizon se dessinait à mille lieues de nous et où notre existence semblait éternelle.
En faisant ma petite promenade le long de la rivière des Prairies dans le parc de l’Île de la Visitation attenant à notre maison provinciale, j’entends résonner en moi le psaume 136 (137) dit des déportés de Babylone :
« Au bord des fleuves de Babylone, nous étions assis et nous pleurions, nous souvenant de Sion; aux saules des alentours, nous avions pendu nos harpes. C’est là que nos vainqueurs nous demandèrent des chansons, et nos bourreaux, des airs joyeux : « Chantez-nous, disaient-ils, quelque chant de Sion. »
La situation de notre communauté dans certains milieux comme le Canada nous laisse parfois l’impression d’être comme ces exilés de Babylone.
Assis au bord de la rivière des Prairies, nous nous souvenons de la place importante qu’avait notre communauté sur l’échiquier éducatif et culturel notamment au Québec.
Nous revoyons nos succès et l’impact positif que nous avons eu sur des milliers de personnes.
Il est vrai – et nous le reconnaissons bien humblement – certains actes répréhensibles ont eu des conséquences fâcheuses sur le dévouement, la rectitude et les sacrifices de la grande majorité et sont venus ternir quelque peu ce passé qui a laissé des traces indélébiles.
Au bord de la rivière des Prairies, nous avons ouvert le grand livre des 176 ans de notre histoire canadienne et nous avons visité un par un tous les recoins du territoire où nous avons semé quelque chose de solide et durable. La végétation autour de la rivière nous parle de notre éclosion et notre floraison.
C’est là que naît la nostalgie d’un passé qui ne reviendra plus. Nous ne pouvons plus chanter des chansons, des airs joyeux d’autrefois. Des voix nous manquent. Des voix ont disparu.
Ce n’est pas la volonté qui manque ni le désir de continuer à brûler comme une chandelle qui résiste au vent. Nous sommes à cette phase qui nous apparaît irréversible et qui nous demande d’avancer autrement.
En présentant la réalité telle qu’elle est, nous ne sommes ni défaitistes ni contre l’action de l’Esprit.
Et si c’était l’Esprit qui nous indiquait d’autres chemins! Et si nous nous mettions à l’écoute de ce que l’Esprit veut pour notre communauté aujourd’hui!
On attribue au général Cambronne cette phrase célèbre prononcée lors de la bataille de Waterloo : « La garde meurt, mais ne se rend pas. »
L’avenir de notre communauté s’écrira avec ce qu’il reste de force de foi et d’espérance, de rêves et d’intuitions réalistes. Il se construira par notre volonté à être dans nos milieux des signes de lumière, de vie et d’amour.
Au bord de la rivière des Prairies, nous pourrons alors chanter!
Nestor Fils-Aimé, c.s.v.
Supérieur provincial
Source :
Bulletin d’information – Octobre 2023 – No 252 (PDF)