Homélie aux funérailles du frère Alphonse Grypinich, éducateur
Paul dans sa deuxième lettre à Timothée nous interpelle face à notre mission première d’éducateur, mission qui nous a été confiée par le père Louis Querbes, il y a plus de 180 ans. « Proclame la Parole, insiste à temps et à contretemps, reprends, menace, exhorte, toujours avec patience et souci d’enseigner ». Au nom de Jésus-Christ, nous sommes ainsi des créateurs de lieux communautaires où la foi s’affirme en toute tendresse et joie, où les valeurs évangéliques sont annoncées dans toute leur fraîcheur.
C’est en fréquentant la chapelle des Sœurs des Saints-Cœurs de Jésus et de Marie et le musée du Séminaire de Joliette que notre frère Alphonse a reconnu cet appel de Dieu à servir les jeunes en éducateur consciencieux.
Monsieur Grypinich, comme nous l’appelions respectueusement, a consacré toutes ses énergies à la formation de milliers de jeunes.
Il a été enseignant dans des écoles de la région de Montréal et directeur d’établissements scolaires à Beauharnois et Outremont. Tout en poursuivant des études dans les universités de Montréal, Michigan et La Sorbonne, il a acquis une vaste culture littéraire et historique qu’il a partagée avec les jeunes qui lui étaient confiés.
Soucieux d’une pédagogie toujours actualisée, les Viateurs publiaient plusieurs manuels d’enseignement. Avec la rigueur que nous lui connaissons, le frère Grypinich a conçu quatre manuels d’enseignement de l’histoire du Canada. Et dans un court laps de temps, ce qui n’est pas rien.
Proclame, exhorte, patience. Sans relâche, le frère Alphonse, vrai éducateur, acceptera de servir la jeunesse d’ici avec cette passion des hommes engagés à la formation des citoyens de demain, des femmes et des hommes engagés, fiers et responsables.
Saint Luc nous dit : « Restez en tenue de travail et gardez vos lampes allumées. » Je ne sais pas si ce sont ses origines polonaises qui ont fait d’Alphonse un travailleur infatigable. Quittant Montréal, il fera une deuxième carrière de 33 ans au collège Bourget de Rigaud.
Directeur des Services pédagogiques, adjoint au directeur général, aide aux services pédagogiques, responsable des parascolaires et de la reliure des manuels scolaires, on voit toujours ce grand éducateur au poste, toujours disponible, toujours engagé à servir avec justice et fermeté, serviteur, homme de Dieu.
Ses anciens élèves savent nous dire la crainte qu’il inspirait, une crainte à la manière de celle que nous trouvons dans l’Ancien Testament. Une crainte qui était à la fois respect de la personne, confiance en sa compétence d’éducateur et assurance qu’il serait là pour nous donner les moyens de réussir son année scolaire.
Il fallait voir les élèves assis sur les deux longs bancs d’église dans le corridor face à son bureau. Tous ceux qui n’avaient pas les résultats souhaités étaient assis, sagement assis, attendant avec angoisse, le face-à-face avec le directeur qui les rappelait à leurs devoirs d’élèves et leur donnait des outils pour faciliter la réussite.
Mais, dès que nous en avions besoin, le frère Grypinich était au rendez-vous. Il fallait l’approcher pour découvrir l’homme de Dieu, toujours respectueux de ses engagements de religieux, amoureux de son Seigneur, fidèle aux rendez-vous communautaires.
De plus, en le côtoyant quotidiennement, nous découvrions un homme et un frère soucieux du mieux-être des autres, pince-sans-rire, avec beaucoup d’humour… sans oublier ses petites fêtes autour d’un match de hockey du Canadien de Montréal, en période des séries de la coupe Stanley.
Il me faudrait aussi parler d’abondance de ses liens avec les membres de sa famille. Il aimait retrouver les siens, prendre du temps avec eux. Il a même suivi des cours de langue polonaise pour mieux connaître ses origines.
Le frère Grypinich a été un Viateur dans l’âme, manifestant son amour de la communauté, s’engageant jusqu’au bout de ses moyens à servir la mission d’éducation et d’annonce d’une Parole de vie, celle de la tendresse du Père pour ses enfants.
Je ne sais pas si au banquet éternel, il proposera l’achat de livres usagés, reliera les vieilles Bibles ou donnera des cours de dactylographie avec son regard sévère et assuré. Mais je sais qu’il se mettra à table pour célébrer avec le Dieu de la vie qui l’accueille avec joie et reconnaissance. « Il prendra la tenue de travail, les fera mettre à table et passera pour les servir. »
Heureux sont-ils les serviteurs de Dieu qui marchent debout, confiants en la vie, soucieux du meilleur! Le Père de tendresse, le Fils de la communion et l’Esprit créateur de vie seront là en toute vérité et lumière. En mémoire du frère Alphonse, osons vivre debout et marchons vers la lumière en porteur d’une Parole qui donne de la saveur et du goût à la vie.