Viateur en son temps
Source :
Courrier Querbes – Hiver 2013 – VIII,2 (PDF).
Deux parcours qui s’apparentent
En choisissant saint Viateur comme patron de son institut, le P. Querbes n’a pas cherché longtemps, puisque le parcours de Viateur et le sien s’apparentent plus qu’il ne paraît, et ce, malgré les 15 siècles qui les séparent :
- D’abord ils sont tous deux Lyonnais, puis ils ont été formés à l’école cléricale de leur temps.
- Ils sont plus instruits que la moyenne de leurs concitoyens et ils s’occupent tous deux d’éducation et de liturgie.
- Les périodes de l’histoire qu’ils habitent ont été précédées de lourdes épreuves : les persécutions romaines dans un cas, la Révolution française dans l’autre.
- Et voilà qu’ils traversent tous deux maintenant, malgré quelques nuages, ce qui semble être un temps d’accalmie après la tempête.
Viateur et l’ère constantinienne
Le meilleur de la vie active de Viateur appartient à la seconde moitié du IVe siècle (entre 340 et 390), moins de 30 ans après les dernières grandes persécutions sous Dioclétien (245-313) et ses successeurs. L’Empire romain souffrait alors de division chronique, au point d’oublier ce à quoi pouvait ressembler un temps de paix.
Arrive Constantin (280-337), gouverneur de la Gaule et de la Grande-Bretagne, qui se montre sympathique aux chrétiens – une véritable révolution pour l’époque.
Tantôt par alliance, tantôt par sédition, l’ambitieux jeune homme agrandit son domaine des fiefs de l’Italie et du nord de l’Afrique détenus par Maxence, qu’il défait à Rome au pont Milvius.
Puis il se tourne vers l’Orient dominé par Maximin Daïa, lequel continue de persécuter les chrétiens. Ce César persiste sans trop remarquer les conversions qui s’effectuent autour de lui. Or, devant les peuples à conquérir, Constantin affiche une attitude débonnaire. Il se proclame même champion de la liberté de religion, ce qui le sert et lui permet, grâce à son beau-frère Lucinius, d’écraser Maximin. Après avoir éliminé le même Lucinius, il réunifie enfin l’Empire et devient « maître du monde ».
Le nouvel empereur décide de s’installer en Orient et de créer une capitale à sa mesure, une « Rome toute neuve », qu’il appellera Constantinople. Il proclame la foi des chrétiens religion d’État, ce qui ne l’empêche pas de tolérer les païens persistants et les lapsi, ceux qui, parmi les chrétiens, ont un jour apostasié leur foi.
Tout compte fait, le nouveau régime favorise un climat de liberté très apprécié. C’est le moment où les fidèles se groupent autour de leur évêque, autant pour les nécessités du culte que pour l’organisation. On construit beaucoup d’églises à l’époque. C’est sous Constantin, par exemple, qu’ont été bâties Saint-Pierre de Rome et Saint-Paul-hors-les-murs dans leur première mouture. Bref, on peut retenir, à la suite des historiens, que c’est avec Constantin que débute le Moyen-Âge.
Conversions, hérésies, approfondissement de la foi et persécutions
Mais les périodes heureuses de l’histoire ne vont pas sans quelques inquiétudes, ne serait-ce, ici, que la menace des peuples barbares qui trépignent aux frontières de l’Empire. Mais il y a autre chose. Au milieu de la ruée de changements, les conversions ont été nombreuses certes, mais souvent hâtives et pas toujours désintéressées, ce qui fait que le message de Jésus a pu connaître dans la transmission quelques distorsions.
Du reste, on ne se débarrasse pas si facilement de ses anciennes croyances. D’où une période de lutte intestine contre les nombreuses hérésies, important facteur de division pour les années à venir, belle occasion tout de même d’approfondir la doctrine et de la clarifier. S’ensuit le rayonnement de ceux qu’on a appelés les Pères de l’Église. Le Credo du concile de Nicée, qu’on récite encore aujourd’hui dans les grandes occasions, date de 325. Il fut reconduit plus tard par divers conciles et synodes provinciaux.
Après la mort de Constantin en 337, l’unité de l’Empire s’étiole. Il faut attendre l’an 379 et Théodose (347-395) pour revoir l’Empire reconstituée. Apôtre à tendance rigoriste, Théodose décrète que la foi chrétienne est « la seule religion officielle et obligatoire ». Les païens résistants et les hérétiques sont donc promis à la persécution.
L’appellation de « souverain pontife », jadis l’apanage du grand prêtre, sera désormais réservée à l’évêque de Rome, successeur de saint Pierre. L’empereur gratifie, en outre, les évêques de certains privilèges au civil, dont le fameux droit d’asile pour tout malfaiteur qui se réfugie dans une église. L’intégration autorisée de certains barbares dans l’armée romaine affaiblit d’autant l’édifice impérial, ce qui finira par provoquer bientôt la chute définitive de l’Empire romain.