Le pèlerinage du 175e

Les anniversaires, dans une vie, sont là pour marquer une halte, un temps d’arrêt qui permet de visionner le chemin parcouru et de jeter un regard prospectif sur le bout qu’il nous reste à entreprendre. C’est un pèlerinage qui nous ramène au point de départ de notre marche et nous projette dans l’avenir.

Nestor Fils-Aimé c.s.v.La célébration du 175e anniversaire de l’arrivée des trois premiers Viateurs au Canada a atteint son paroxysme ce samedi 28 mai 2022. Cette date correspondait au jour précis ou les Champagneur, Fayard et Chrétien ont foulé le sol canadien.

« Qu’ils sont beaux sur la montagne les pas de ceux qui portent la Bonne Nouvelle, qui annoncent le salut et la paix! » (Is 52, 7).

C’est dans une ambiance de communion que, tous ensemble, Viateurs religieux et associés, collaborateurs/trices et ami-e-s, nous avons vécu le pèlerinage du 175e anniversaire.

Ce numéro spécial vous permettra de rejoindre les Viateurs du Canada et de goûter a cet événement.

Bienvenue à bord du train du 175e !

Nestor Fils-Aimé, c.s.v.
Supérieur provincial


Sur les routes du grand diocèse de Montréal

Le 28 mai, le pèlerinage des Viateurs du Canada nous a conduits de Rigaud à Joliette, en passant par Montréal et Lavaltrie. Cette longue route est à l’image du grand diocèse de Mgr Ignace Bourget qui couvrait les actuels diocèses de Joliette, Montréal, St-Hyacinthe, St-Jean-Longueuil, St-Jérôme, Trois-Rivières et Valleyfield. Joliette, Chambly et Rigaud furent de nos premiers lieux d’insertion dans cette terre vaste comme le monde aux yeux des confrères français qui semaient le charisme viatorien chez nous.

Dès 7 h 45, les premiers participants prenaient l’autobus en partance de Rigaud vers Montréal-Nord, notre plus récent pied-à-terre sur l’île. Plusieurs Viateurs se joignent alors au groupe des valeureux du Suroît. C’est le moment des retrouvailles pour plusieurs. Après des semaines de confinement non volontaire, la joie était au rendez-vous. Notre autobus repart avec sa quarantaine de pèlerins.

L’escale de Montréal

À la cathédrale Marie-Reine-du-Monde

L’arrêt suivant a eu lieu à la cathédrale de Montréal. Notre pèlerinage aux sources se devait de s’arrêter en ce lieu où trois Clercs de Saint-Viateur, venus de France il y a 175 ans, étaient accueillis par Mgr Bourget le 28 mai 1847. Nous nous sommes alors dirigés vers une des chapelles latérales de cette vaste basilique construite sur le modèle de Saint-Pierre de Rome, avec l’aide des plans de notre P. Joseph Michaud. Nous sommes entrés en prière par un chant d’action de grâce bien senti : « Ce jour que fit le Seigneur est un jour de joie, alléluia. »

Le Supérieur provincial salue alors notre archevêque, Mgr Christian Lépine, en lui rappelant :

Supérieur provincial et Mgr Christian Lépine« Vous avez devant vous ce matin des pèlerins, pèlerins du souvenir et de la mémoire, pèlerins venus mettre leur pas dans ceux d’Étienne Champagneur, de Louis Chrétien et d’Augustin Fayard. »

Le P. Gilles Héroux a fait lecture d’un extrait d’une lettre de Champagneur, situant notre présence en ce lieu :

« Nous sommes partis de New-York à 7 heures du soir le lundi de Pentecôte; nous avons pris un bateau à vapeur qui en remontant le fleuve Hudson, nous a conduits à Troy, près d’Albany à 30 lieux environ de New-York. De là nous avons pris le canal qui joint le fleuve Hudson au lac Champlain sur lequel nous avons vogué avec un beau bateau à vapeur pendant un jour et une nuit. Après quoi nous sommes arrivés à Saint-Jean, un bourg du Canada, où nous avons pris le chemin de fer jusqu’au fleuve Saint-Laurent que nous avons traversé par bateau à vapeur. Pendant que nous le traversions, les cloches de Montréal étaient en branle. »

Archevêque Christian LépinePuis, notre archevêque a su nous redire que nos prédécesseurs ont osé prendre la mer sans savoir s’ils se rendraient à bon port. Ils ont quitté Le Havre sur le bateau Le Havre.

La tempête a secoué leur bateau comme elle secoue présentement notre Église et notre communauté. Il y avait tout pour désespérer de la suite des choses.

Mgr Lépine nous a invités à nourrir notre havre de paix intérieure, cet espace d’intimité avec notre Dieu. Car, a-t-il dit, « Dieu sait ce qu’il fait. Alors, osons continuer à prendre le large. »

Photos de cathédrale Marie-Reine-du-Monde

Et on reprend la route en direction de Lavaltrie

Traversant Montréal, à bord de notre « Havre » roulant, nous prenons la route longeant le fleuve Saint-Laurent. Vers 12 h, retardés par un accident devant nous sur la route, nous apercevons le quai de Lavaltrie. Des Viateurs de Joliette nous y attendaient. Encore un moment de douces retrouvailles.

À l’appel des organisateurs, nous nous retrouvons tous près du quai là où le bateau avait accosté avec les frères Champagneur, Chrétien et Fayard. Lors d’un temps de prière, nous avons béni le Seigneur pour nos trois fondateurs, pour le projet de Barthélemy Joliette bien soutenu par Mgr Ignace Bourget, pour la confiance du vénérable Louis Querbes en l’avenir de cette semence jetée en terre canadienne.

Le frère Jean-Marc St-Jacques a lu un extrait d’Antoine Bernard sur les derniers kilomètres de ce long périple :

« Conduits par monsieur le Grand-Vicaire Hudon, ils prirent passage sur le Saint-Louis, un bateau à vapeur faisant du cabotage sur le fleuve Saint-Laurent. Il les déposa vers huit heures du soir à Lavaltrie. Restait, comme clou de leur long voyage Vourles-Joliette, la savane de Lavaltrie à traverser dans une diligence tirée par deux chevaux, sur une route semée d’ornières. On atteignit enfin, cahin-caha le but désiré. La porte du collège Joliette s’ouvrit vers minuit, à nos voyageurs lassés. Malgré l’heure tardive, tout le personnel enseignant de la maison était debout pour souhaiter la bienvenue aux religieux et à M. Hudon leur dévoué mentor. On voyait là M. Resther, directeur, M.M. Barette et Dequoy, ainsi qu’un jeune laïc professeur d’anglais, M. Smith. Les frères Champagneur, Fayard et Chrétien prirent une légère réfection et se retirèrent dans les cellules très monacales qui leur étaient destinées. »

Au quai de Lavaltrie

Dès le lendemain, 28 mai 1847, nos trois Viateurs, Champagneur, Fayard et Chrétien se mirent en route. Conduits par monsieur le Grand-Vicaire Hudon, ils prirent passage sur le Saint-Louis, un bateau à vapeur faisant cabotage sur le fleuve Saint-Laurent. Il les déposa vers huit heures du soir sur le quai de la Seigneurie de Lavaltrie. »

Aujourd’hui, 28 mai 2022, les pèlerins du jour font halte à leur tour et se remémorent cette étape de ce long voyage.

Au quai de Lavaltrie

Puis, en souvenir des bons élèves que nous avons été, nous avons partagé nos boîtes à lunch préparées avec soin par la cuisine du Complexe Saint-Viateur et servies avec délicatesse par M. Robert Asselin, directeur du Complexe Saint-Viateur, et son épouse, Mme Michelle Goyet. On pouvait voir des Viateurs ici et là, dans ce parc fort bien aménagé, discutant, mangeant, contemplant le fleuve.

Et on repart

À la cathédrale de Joliette

Notre calèche était bien confortable contrairement à celle de nos prédécesseurs. À 13 h, nous reprenons donc notre autobus, bien plus attirant que les autobus scolaires, en direction de la cathédrale de Joliette. Le P. Claude Auger nous a ouvert les portes de cette magnifique maison de Dieu et le P. André Thibault a bien mené le jeu.

Cathédrale de JolietteUne célébration de la Parole bien sentie nous a permis de replonger dans notre histoire, une histoire pleine de rebondissements, mais une histoire porteuse de vie et de lumière pour hier, aujourd’hui et demain encore.

Les cloches, les magnificat, les acclamations ont parsemé ce moment de grande joie. Nous avons ensemble été fiers de ces 175 ans d’histoire, de présence, de vie. Il faut souligner ici le précieux apport de la chorale de la Place Bourget et de l’organiste qui a fait vibrer les grands orgues de ce vaste espace béni.

Ce fut l’occasion de rencontrer en personne Champagneur (P. Gilles Héroux), Fayard (P. Jean-Marc Provost), Chrétien (P. Claude Auger). Il faut dire avec un brin d’humour que le choix des acteurs s’est fait en fonction de la taille des soutanes dénichées. Nos trois confrères nous ont rappelé de ne jamais oublier de manifester notre reconnaissance.

« Nous rendons grâce pour la présence dans nos vies du Dieu des commencements alors que nous venions porter en terre canadienne l’humble semence de l’aventure viatorienne. »
« Nous rendons grâce d’avoir été fait porteurs de vie et de lumière. »
« Nous rendons grâce car d’autres après nous, dans une longue suite de fidélité, ont gardé vivant le charisme reçu de Querbes notre vénérable Père. »
« Nous rendons grâce car sa Parole nous a gardés fidèles et audacieux et qu’elle inspire encore la communauté canadienne aujourd’hui en fête. »

Le P. Gérard Bernatchez a lu un autre extrait d’une lettre des premiers Viateurs canadiens.

« Maintenant il ne nous reste que de satisfaire les désirs de Monseigneur et de ses pieux coadjuteurs par une conduite religieuse, exempte de tout reproche et embellie de toutes les vertus que font un véritable religieux afin de répandre dans notre nouvelle résidence la bonne odeur de la vertu. Pour cela nous implorons le secours de vos prières, notre très cher et révérend père, qui avec le secours de la grâce nous pourrons faire peut-être quelque chose de bien dans ce Nouveau Monde. »

Le Supérieur provincial nous a invités à être des porteurs de vie et de lumière encore aujourd’hui :

« Les textes choisis en cette occasion spéciale cadrent bien avec la situation des Viateurs d’aujourd’hui. Ils nous invitent à la confiance et à l’espérance en dépit de la nuit que nous traversons. Au temps du P. Querbes, les conditions n’étaient pas bien meilleures. Mais il avait foi en la Providence. Son « Deus providebit » (Dieu y pourvoira) n’était pas un simple slogan, mais une profession de foi au Dieu qui a inspiré son association. « Ne vous tracassez pas de ce que vous pourrez manger pour vivre, ni de quoi vous habillerez votre corps… » (Mt 6, 25)

Nous, Viateurs, avons plus de prix que tous les moineaux et les lis des champs. Dieu sait ce dont notre communauté a besoin aujourd’hui pour continuer de fleurir après 175 ans au Canada. Aujourd’hui, chers Viateurs, la Parole nous invite à regarder l’avenir dans la foi et l’abandon au Maître de l’œuvre. Notre communauté a traversé le temps malgré mille et une difficultés. Elle continuera de vivre parce qu’elle est une œuvre divine. Demeurons des porteurs de vie et de lumière au-delà de cet anniversaire! »

Il y a 175 ans le curé de l’époque, Antoine Manseau, avait accueilli les trois Clercs de Saint-Viateur venus de France dans l’église Saint-Charles de l’Industrie.

Aujourd’hui, en ce précieux jour anniversaire, se remémorent en ce lieu chargé d’histoire ceux et celles qui aujourd’hui assurent la pérennité de leur geste fondateur.

Photos de la cathérale de Joliette

À la résidence Saint-Viateur

Par la suite, les pèlerins se sont dirigés vers la Résidence Saint-Viateur de Joliette, en souvenir de nos fondateurs qui ont été accueillis dans l’école ouverte par l’abbé Antoine Manseau.

Repas à la résidence Saint-ViateurAprès le toast d’usage sur la vaste galerie de la maison, une réception nous attendait dans la salle Cardin où tout a été fait pour que nous vivions cet instant dans une atmosphère de joyeuse fête et de douce paix. De bouchée en bouchée, nous avons pu rire, partager, célébrer, fêter…

L’équipe du Complexe et les confrères de la maison ont permis à tous de vivre ce grand moment de fraternité joyeuse, le plus beau des témoignages de notre engagement d’éducateur et de serviteur de la Parole. Et que dire des petites et belles surprises qui attendaient les Viateurs et amis présents!

Aux dires de participants, cette journée fut un moment important pour nous reconnecter à notre histoire et cultiver notre sentiment d’appartenance. Vers 17 h 30, les voyageurs de l’express Montréal-Rigaud reprennent la route, se saluant en toute hâte et se disant à bientôt. Mission accomplie. Un parcours sans faute! Commencé à Montréal sous quelques gouttelettes de pluie, ça s’est dégagé progressivement pour finir au beau soleil.

De grands mercis au comité du 175e, au comité Liturgie et Rassemblements, à l’équipe de direction du Complexe Saint-Viateur… et à tous les intervenant.e.s au long de la journée.

Reportage de Jean-Marc Saint-Jacques, c.s.v.

Source :
Le pèlerinage du 175e (PDF)

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