Autre temps, mêmes moeurs en politique
Source :
Courrier Querbes – Automne 2014 – X,1 (PDF).
Autre temps, mêmes mœurs, disons-nous. C’était vrai au temps de Querbes. Le 5 mai 1928, alors que l’abbé Querbes, curé de Vourles, vient d’assister, jour de joie, à la bénédiction par Mgr de Pins de son église toute neuve.
Que se passe-t-il en France au plan politique? Le brasse-camarades a repris de plus belle, surtout depuis le règne autoritaire et maladroit de Charles X qui a préparé l’explosion anticléricale de 1830.
C’est alors la révolution appelée Monarchie de Juillet qui met un terme à la période dite de la Restauration et exclut des débats le trône et l’autel. Ce changement de cap consacre la montée sur le trône de Louis-Philippe et le changement de ton de la politique sous le nouveau règne.
Une période nouvelle s’ouvre sans qu’on sache trop ce qu’elle recèle. Autre temps, mêmes mœurs.
Vive la liberté sans Dieu
Le temps est venu d’abandonner les vieilles lubies du temps passé et de se tourner vers l’avenir. On n’entendra plus parler des prétentions de la noblesse aux dédommagements d’après-révolution, ni de la défense de ses privilèges. Il revient au citoyen de répondre de son destin. Place à l’initiative privée et au développement matériel! L’avenir appartient à ceux qui le construisent.
« Vive la liberté » et, dans l’esprit de plusieurs, « Vive la liberté sans Dieu! ». Cela vaut infiniment mieux, dit-on, que le « Dieu sans liberté » qui prévalait sous l’ancien régime. En marche vers le gouvernement du peuple par le peuple! C’est la fin à tout jamais de l’encombrante présence de l’Église en politique.
L’Avenir, journal de combat pour la démocratie
Pourtant, après quelques semaines seulement, ils sont nombreux de la jeune génération à déchanter sur les vertus du nouveau régime. La charte qu’on vient de signer doit être intégralement respectée – c’est à surveiller. C’est pourquoi, dès octobre 1830, apparaît L’Avenir, journal de combat fondé par l’abbé Félicité de Lamennais, appuyé dans un premier temps par les jeunes Lacordaire et Montalembert.
Voilà que ce journal se présente comme l’organe des forces neuves favorables à la démocratie certes, mais aussi à la liberté de presse et à la liberté de religion. Cette publication repose, en outre, sur la conviction que, si l’avènement du christianisme a été la cause par le passé de l’émancipation des peuples, rien ne s’oppose à ce que, dans la présente tourmente, l’Église se montre à nouveau capable de régénérer le monde.
Vers la séparation de l’Église et de l’État
Lamennais poursuit sur sa lancée en dénonçant le contrôle biaisé de l’Université sur l’enseignement. Il trouve, en outre, intolérable que la nomination des évêques soit laissée entre les mains des athées et qu’une bonne part du clergé soit entretenue par le gouvernement.
Il prêche donc pour la séparation de l’Église et de l’État, opinion plus généreuse que réaliste, qui contrarie la position de la plupart des évêques aux prises avec l’administration de leur diocèse. Lamennais, plus ou moins isolé, en appelle à l’autorité romaine.
Grégoire XVI, sympathique au personnage, mais moins sympathique à sa cause, finit en 1833 par rejeter la position du jeune prêtre, ce qui met fin à L’Avenir et force le requérant à s’amender.
Ce dernier proteste de sa fidélité à Rome, mais n’arrive pas à assouplir sa position. Il finit par offrir le spectacle pénible de celui qui est sûr de toujours avoir raison et qui méprise ceux qui ne pensent pas comme lui. Désavoué par ses amis, le malheureux ne trouve pas d’autres issues que de retourner dans ses cantons et d’abandonner le sacerdoce.
Époque de la fondation de nombreuses communautés religieuses
Or, ce n’est pas la première fois que l’Église traverse une période trouble. Il lui revient alors de se pencher sur elle-même, de prier, de s’intérioriser. La réponse aux événements ne dépend pas tant du discours tenu que de l’action mue.
Encore une fois, mine de rien, « la vieille Église est en train de ressusciter », mais, cette fois-ci, plutôt en dehors des structures ecclésiastiques. C’est l’époque où Lacordaire attire les foules à Notre-Dame, où Frédéric Ozanam fonde les conférences Saint-Vincent-de-Paul, où Prosper Guéranger relance à Solesmes la vie monastique.
C’est l’époque de la notoriété de Catherine Labouré en même temps que de la fondation de nombreuses communautés religieuses vouées à l’éducation ou au soin des malades et des miséreux. C’est l’époque – qui l’eût cru? – de l’ouverture de ces mêmes communautés aux pays étrangers. Le P. Querbes, comme on sait, ne ratera pas le coche.
Louis Veuillot et le Journal L’Univers
Peu de temps après la chute de L’Avenir, paraît L’Univers, quotidien fondé par l’abbé Migne, chargé de défendre le parti catholique. Il le fait sans esclandres mais plus ou moins à bout de ressources, jusqu’au jour où s’y pointe un personnage haut en couleurs du nom de Louis Veuillot, nouveau converti, qui s’affiche défenseur de l’Église en la personne du Saint-Père. Nous sommes en 1839.