Nouvelle vie d’un burkinabè en terre nippone
Quatre premiers mois de la vie d’un burkinabè en terre nippone, ça se raconte !
Depuis le 24 décembre passé, j’ai déposé mes valises au Japon après un bref séjour de 4 mois de stage linguistique en anglais à Winnipeg au Canada. Comme Dieu fait bien les choses, j’ai pu rencontrer tous les Viateurs dans la soirée du 25 décembre 2014 à l’occasion du « dîner de Noël ».
J’ai été chaleureusement accueilli et le surlendemain, je me suis joint à ma nouvelle communauté pour la retraite annuelle à Kobé à environ deux heures et demi de train. Ce fut un bon moment de prières, de ressourcement mais aussi de repos bien mérité. Un nouveau milieu, des nouvelles personnes et de nouvelles cultures à découvrir. En somme une nouvelle vie à expérimenter…
Depuis le 8 avril 2015, date de la rentrée des classes au Japon, je suis un étudiant régulier inscrit à « Kyoto Japanese Language School » pour l’étude du japonais. Une belle expérience avec des étudiants composés de cinq nationalités (Burkina Faso, France, Allemagne, Thaïlande et Chine).
Avec nos quatre professeurs, tous japonais, c’est un groupe dynamique qui essaie de rentrer dans l’univers de la culture japonaise par la porte de l’élude de la langue car ne disons-nous pas que la langue est le véritable véhicule de la culture…
Chaque expérience que nous vivons nous permet de toujours grandir rien qu’en se rendant compte des similitudes et des différences du peuple dont nous sommes originaires. Madame Ayako IWATA et son époux, M. Isao IWATA, 79 ans et Viateur associé, appartenant au premier groupe de la communauté de Hakubaicho (Rakusei) et du Japon, depuis le 11 juin 1981, sont décédés le 6 et le 8 janvier 2015.
Au Burkina Faso dans mon ethnie (gourounsi) on dira probablement que « la femme a attrapé son mari » (c’est qu’elle a voulu que les deux meurent ensemble) pour expliquer une telle mort.
Qui étaient monsieur et madame IWATA ?
M. IWATA qui était un professeur d’anglais à Rakusei High School a su mettre de l’amour dans son métier d’éducateur durant toute sa vie. Ses qualités d’éducateur ont été reconnues par le père Labadie (Gaëtan qui a présidé l’Eucharistie et, dans son homélie, il a rappelé le devoir de tous de suivre les pas de ceux que nous accompagnions en ce jour mais surtout de ceux de M. IWATA qu’il connaissait bien pour avoir collaboré avec lui non seulement lorsqu’il était professeur d’anglais à Rakusei, mais encore lorsqu’il l’a choisi comme son assistant-directeur et comme membre du bureau d’administration.
Sa bonté et sa générosité dans ce milieu éducatif qu’il a fréquenté pendant plusieurs dizaines d’années en tant qu’éducateur étaient très perceptibles de par la présence massive des professeurs à la retraite comme ceux toujours en fonction, des parents, des amis, des associés et des gradués
La présence qui ne pouvait pas passer inaperçue, en raison du grand nombre, était bien celle des anciens élèves, signe du témoignage que M. lwata a laissé à tous ces jeunes devenus pour la plupart d’entre eux médecins ou responsables de grandes entreprises. Tout ce monde était présent à la chapelle de Hakubaicho pour accompagner les dépouilles de notre associé et de son épouse dans leur demeure éternelle…
Les deux cercueils étaient exposés à la chapelle dans la soirée du vendredi pour une veillée de prières suivie de la célébration eucharistique le lendemain samedi 10 janvier à 11h30. Le costume noir, la cravate noire et la chemise blanche constituent la tenue officielle pour les funérailles ici au Japon.
C’est la grande chapelle de Hakubaicho qui a dû refuser du monde venu participer à l’Eucharistie célébrée dans le recueillement total, de prière et pleine d’émotion. Cette émotion se faisait sentir quand est venu le moment de dépôt de gerbes de fleurs sur une table placée en face des deux cercueils en signe d’hommage à ceux que nous pleurions.
Le deuxième et ultime passage de dépôt de fleurs consistait à s’avancer dans le recueillement et la prière et à déposer une fleur dans le cercueil de M. IWATA et une autre dans celui de son épouse. Moment très important et très émouvant. Ce fut un temps pour tous ceux qui étaient venus accompagner le couple IWATA de leur dire un dernier au revoir en espérant les revoir un jour auprès du Père.
Si dans mon pays, le Burkina Faso, la pause du cercueil dans la tombe avec les premières pierres ou dalles déclenche des pleurs surtout chez les femmes en majorité, au Japon, la grande émotion intervient au moment des dépôts de gerbes de fleurs ou de l’encens que l’on offre sur un charbon ardent. Mais pour cette cérémonie, au lieu de l’encens, ce sont des fleurs qu’on offrait comme hommage pour rappeler qu’ils avaient été des fleurs dans leurs vies et qu’ils avaient répandu un parfum que l’on n’oubliera jamais…
Au Burkina Faso et dans bien d’autres pays d’Afrique, après une telle cérémonie la dépouille est conduite au cimetière, ici les dépouilles sont conduites pour l’incinération du corps.
L’autre grande surprise qui m’attendait fut à la fin de la cérémonie. Une femme âgée s’est dirigée vers moi pour me remettre un présent… Les présents étaient offerts à tous les participants aux obsèques afin de leur traduire la reconnaissance de la famille. Le mien contenait une carte de remerciement et une serviette. Dans certains cas, m’ont-ils fait savoir, de l’argent est mis dans une enveloppe pour permettre à chacun de faire son transport retour.
Vous imaginez quelle fut ma surprise. Dans mon pays, ce sont les gens qui viennent aux funérailles qui apportent pour la plupart du temps soit de la nourriture, soit de l’argent ou toute autre chose pour soutenir la famille éplorée.
Si cela est aussi fait ici au Japon auprès des familles éplorées, force est de constater qu’il est de coutume que chaque participant retourne avec un présent à la fin de la cérémonie. Pour ceux qui apportent de l’argent, un pourcentage soit 2/3 des montants sont prélevés pour leur envoyer des cadeaux.
Aussi pendant la cérémonie des funérailles, tous les télégrammes reçus sont lus à la cérémonie. Pour le couple IWATA les télégrammes n’ont pas été lus à l’église pour des raisons de protocole ou de temps.
Un autre fait important… est le passage du cortège mortuaire par la route du collège où Monsieur lwata a passé plus de 40 ans de sa vie professionnelle. On avait fait une haie d’honneur tout le long de la rue qui traverse le campus pour un dernier salut en signe de gratitude pour celui qui avait contribué à former des milliers d’hommes insérés dans le tissu socio-économique du Japon et de bien d’autres pays.
Certaines familles après avoir récupéré les cendres de l’incinération retournent à domicile avec les cendres et les gardent pendant quarante neuf jours avant de décider de les déposer soit en les jetant dans une rivière, sur une montagne ou encore en les conservant dans un columbarium ou un cimetière.
Pour le moment à ce que je sache, la tradition d’incinération n’est pas encore d’actualité au Burkina Faso, Le corps entier est inhumé. Chaque peuple a sa tradition et ses cultures et c’est aussi cela qui fait l’immense beauté de ce monde que Dieu nous a confié afin de continuer à le bâtir dans l’unité malgré nos différences.
En terminant, je prie Dieu, source de miséricorde, d’accueillir auprès de lui les âmes de nos deux amis, afin que de là où ils résident maintenant, ils puissent intercéder pour nous qui sommes toujours en pèlerinage sur cette terre. J’ose croire que les témoignages entendus de la vie de ce couple auront un écho favorable dans nos cœurs. L’engagement à vivre une vie utile sur terre est plus que jamais une raison d’être et un défi pour nous tous.
Que par Dieu, notre Maman Marie nous y aide.
« Tout passe en cette vie, seul Dieu demeure à jamais » !
Source :
Viateurs en mission – Juin 2015 – No 5 (PDF).