Départ définitif du frère Lucien Rivest pour le Canada
Entrevue
Bonjour, Frère Lucien. Vous êtes sur le point de laisser définitivement le pays après 22 ans de service. Pouvez-vous nous partager vos sentiments alors que vous allez laisser Haïti?
Si la lettre du Supérieur provincial m’a surpris, j’ai réalisé que le P. Nestor voulait mon bien et je me suis résigné à quitter Haïti très vite. Je laisse des confrères aimés et des œuvres en développement.
Je vais m’ennuyer des offices chantés et des apéros tout en fête, et… du memba, mais je compte sur l’internet pour maintenir des relations avec les confrères et recevoir des nouvelles. Je ne suis pas inquiet sur la capacité de la Fondation de me remplacer.
Nous savons que vous avez été supérieur et économe de la Fondation. Pouvez-vous nous dire pendant combien d’années vous avez servi la Fondation comme membre du conseil?
Depuis mon arrivée en Haïti en octobre 1992, j’ai toujours fait partie du conseil de la Fondation. J’ai été supérieur quelques années seulement et économe plus longtemps, sans pouvoir fixer les années, car ma mémoire me fait défaut.
Comme ancien économe, comment voyez-vous le futur de la Fondation en ce qui concerne l’autonomie financière?
Je suis encouragé. Depuis trois ou quatre ans, la Fondation a beaucoup progressé sous ce rapport. L’an passé, pour la première fois, les salaires des religieux d’une résidence ont égalé les dépenses de cette communauté locale.
Cette année, il y a trois résidences qui s’administrent avec les revenus générés. Les œuvres devront contribuer encore plus cependant pour satisfaire les besoins en formation et en administration générale.
J’entrevois presque l’impossibilité de devenir autonome dans un avenir prochain. Il nous faudra encore de l’aide, mais de moins en moins. Nos œuvres sont appelées à un grand effort, mais c’est possible. Mon opinion : la Fondation va s’en tirer, avec un peu d’aide extérieure.
Pendant ces 22 ans, où est-ce que vous avez travaillé?
Lorsque je suis arrivé en Haïti, c’était pour prendre la direction de la Villa Manrèse, en succédant à André Venne qui ouvrait le noviciat à Cazeau. En juillet 1995, je suis allé aux Gonaïves. J’y ai passé 5 ans d’affilés. J’ai assisté à la naissance d’Alphago où j’ai vu Behn, Lindberg et d’autres, prendre à cœur le développement de ce service durant leurs vacances d’été. J’ai participé à la construction de l’aile du CIC près de l’hôpital.
Puis en 2000, j’ai été nommé au noviciat, mais faute de novice, je me retrouve à la résidence des étudiants nouvellement achetée sur la rue Chochotte. Belle année! Par la suite, j’ai voyagé entre Gonaïves, le CIC ou Cyr-Guillo, puis le noviciat et la Villa Manrèse. En 2009, j’ai été nommé à l’Accueil avec Brice comme Supérieur local.
Je vois l’intervention de la Providence dans mes nominations, car j’étais absent des Gonaïves lors des deux inondations.
Nous savons que dans la vie il y a des moments heureux et des moments malheureux. Pouvez-vous partager avec nous ces moments heureux et également ce qui vous a marqué de façon négative?
Commençons par le dernier événement heureux. C’est la fête que vous m’avez faite la veille de mon départ. Me retrouver parmi un grand nombre de confrères et des associés pour recevoir des « fleurs » et pour manger avec eux, c’est très réchauffant. Tout événement qui a rendu mes confrères heureux comme les professions, les ordinations, les graduations, m’a fait plaisir aussi.
Les événements malheureux : février 2004, lorsqu’on a dû fuir de la résidence des Gonaïves, et le tremblement de terre qui a si perturbé notre vie. Aussi, les départs des confrères m’ont affecté. Il me semble que ces religieux avaient leur place chez nous.
À la veille de votre départ, qu’est-ce que vous pourriez nous laisser en termes de souvenir de vous-même en tant que personne?
Je préfère laisser les autres répondre à cette question. Quant à moi, j’aimerais que vous gardiez le souvenir de mon affection et de mon désir de vous voir « grandir » comme individus et comme communauté des CSV.
Comment voyez-vous l’avenir de la Fondation d’Haïti? Et quels sont vos plus grands souhaits aux Viateurs haïtiens?
Je réponds théoriquement : que la vie communautaire ressemble à celle des premières communautés chrétiennes racontées dans les Actes, tant par la solidarité de la vie fraternelle que par l’engagement des membres à annoncer l’Évangile. Concrètement : je souhaite que les supérieurs locaux autant que le supérieur de la Fondation contribuent de toutes leurs forces à ce double objectif de la vie viatorienne.
Si vous avez un dernier mot à partager avec nous, frère Lucien, quel serait ce mot?
Je vous aime et je vous souhaite beaucoup de bonheur et de succès dans votre réponse à l’appel du Seigneur sur chacun de vous.
Merci d’avoir répondu à nos questions, nous vous souhaitons un bon voyage!
Hommage
Le frère Lucien, c’est quelqu’un que je connais depuis son arrivée en Haïti. J’ai été souvent dans les mêmes communautés locales avec lui. Aux Gonaïves on a été ensemble à l’école Cyr-Guillo. J’ai été son assistant pendant deux ans. Le frère Lucien est un vrai éducateur. Un directeur d’expérience. Je l’ai connu à la Villa – Manrèse; c’est une personne qui accueille toujours les gens. Il est quelqu’un qui se fait toujours prêt pour aider ceux qui sont dans le besoin.
Le frère Lucien a une simplicité extraordinaire, j’ai découvert cette simplicité en lui à Cazeau quand j’étais au noviciat avec le P. Harry, puis à l’Accueil Saint Viateur. Il a toujours été ponctuel à ses rendez-vous. S’il a une réunion avec les gens ou les parents, la réunion doit commencer à temps et finir à temps, ce n’est pas une personne bavarde, c’est un infatigable, quelqu’un qui aime travailler.
Frère Lucien, nous vous remercions pour tous les services rendus à la fondation d’Haïti. La fondation ne vous oubliera jamais. Nous gardons un bon souvenir de vous.
Source :
Échos des Viateurs d’Haïti – Décembre 2014 (PDF).