Hommage – Funérailles du Père Jean-Luc Provençal, c.s.v.
Le P. Jean-Luc Provençal était un prévoyant. Homme de grandes capacités, il laissait peu de place à l’improvisation : les étapes de sa vie, les nombreuses responsabilités qu’il a assumées, sa façon d’être et d’entrer en relations avec les autres, tout était réfléchi, planifié au quart, même au huitième de tour.
Aujourd’hui, ses funérailles, c’est la suite, le point d’orgue de cette caractéristique humaine; les divers éléments de la célébration de ses funérailles se trouvaient bel et bien inscrits au dernier chapitre du livre de sa vie.
Les deux textes bibliques que Jean-Luc a choisis pour cette célébration font en quelque sorte partie de son testament spirituel : L’extrait du prophète Isaïe nous livre sa foi profonde et l’Évangile de Jean, son humanité bien campée devant cette foi enracinée.
La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer, pour donner la semence au semeur…
Par ces mots du prophète, se trouve mise à nu la fécondité de la foi de Jean-Luc.
Le temps a beau passer rapidement ou, à d’autres moments, se traîner les pieds;
le visage des gens nous ensoleiller le cœur ou nous le transpercer parce que leur souffrance est trop saisissante;
le bonheur nous envahir ou nous filer entre les doigts,
une vérité demeure : tout ce qui s’inscrit dans le mouvement de Dieu génère la vie et nous rapproche de Lui.
Nous avons connu le P. Jean-Luc au point où nous pourrions tous ajouter un trait particulier au portrait que nous voulons faire aujourd’hui de lui; les funérailles ne sont-elles pas justement l’occasion d’offrir une action de grâce à la fois réaliste et pleine du mystère de la vie d’une personne?
Jean-Luc faisait partie de ces gens à la carrure prononcée, définissant les attitudes, les positions à prendre et les gestes à poser.
On dirait un merveilleux cœur d’homme, de pasteur, dans un solide écrin imprévisible. Ses beaux jours nous permettaient de rencontrer en lui la fine fleur de l’humanité.
Je l’entends encore nous offrir le fruit de cette intelligence saisissante couplé d’un rire envahissant provenant du plus profond de sa belle humanité. C’était le Jean-Luc qui aime la vie; le Jean-Luc d’une humilité appréciable pour qui savait patienter et le découvrir aux heures où il respirait à pleins poumons la liberté qui pacifie.
À d’autres moments de sa vie, on retrouvait ce même Jean-Luc arpenter des zones plus sombres, des moments vécus à l’ombre du bonheur au cours desquels il avait peine à affronter les aspérités inévitables du vivre ensemble. On a tous vécu, chacun à notre façon, des épisodes où il était devenu difficile de reconnaître le cher Jean-Luc attentif et délicat alors qu’il était aux prises avec les exigences du dépassement auquel nous appelle l’Évangile.
Voilà la raison du texte évangélique qu’il offre à notre méditation : le vrai vigneron qui sait retrancher tout sarment qui ne porte pas de fruits. Ce texte, c’est la raison profonde de son espérance; celle de son humanité qu’il nous prie aujourd’hui de ne pas retrancher de notre action de grâce. Ce texte, c’est très certainement les premiers mots qu’il confie à son Dieu car ça aussi, il a dû bien le planifier!
Jean-Luc, l’éducateur, c’est cet homme qui a marqué de nombreux jeunes par son ouverture et sa propension naturelle à aimer cheminer avec les gens.
Jean-Luc, le pasteur de communautés chrétiennes, c’est cet homme d’équipe qui a la sagesse de reconnaître que le leader ne donne pas le pas; il dispose plutôt les cœurs à l’écoute de l’Esprit afin d’en reconnaître la cadence et d’oser prendre la route ensemble.
Jean-Luc, le Supérieur provincial, c’est cet aventurier de l’Abitibi au nom de sa conviction bien ancrée qu’on ne refuse pas un service à sa communauté. Il y est allé à deux reprises; la première le destinait à appuyer le père Leduc et, par le fait même, à se préparer à assumer la tâche pastorale de la province de l’Abitibi.
L’autre, quelques années plus tard, afin de diriger l’œuvre de La Source et collaborer au Moutier. Cette deuxième interpellation, c’est moi qui la lui ai faite et, de nouveau, il m’avait réaffirmé sa disponibilité au nom de son attachement à notre famille religieuse.
Sans nul doute, la tâche de Supérieur provincial aura marqué sa vie. Sa démarche ne fut plus la même par la suite. Il a gardé de ces années une posture dans le geste et la voix qui témoignait à quel point ces responsabilités lourdes modèlent le cœur. Jean-Luc a aimé l’Abitibi et il l’a bien servie.
Jean-Luc a été un précieux collaborateur au leadership communautaire à une époque où les changements se bousculaient et où il fallait voir haut et loin pour assurer que l’avenir ne nous échappe pas.
Voilà ce qui a tant marqué Jean-Luc et qui nous laissait voir, des années durant, une petite frange du Provincial qui persistait à dépasser le nouvel habit des responsabilités qui lui étaient désormais confiées.
Finalement, Jean-Luc, l’accompagnateur de tant de personnes. Je crois qu’il est permis de dire qu’alors il savait offrir ce que la sagesse de sa quête de vérité et de bonheur avait créé en lui. Seuls les gens libres savent entrer dans le récit de l’autre et oser tendre une main charitable pour permettre d’aller plus loin.
Cela Jean-Luc l’accomplissait très bien et les témoignages sont éloquents. C’était pour lui la grâce de se réclamer de la vigne du Seigneur et de croire que seul le vigneron sait faire produire de bons fruits. Son attention et sa présence aux gens irradiaient sa plus précieuse conviction : l’amour inépuisable d’un Dieu tellement bon.
À l’occasion de son jubilé d’or de profession religieuse, celui qui l’avait appelé en Abitibi, le P. Stéphane Leduc, ciselait bien les traits du personnage de Jean-Luc :
Une nature généreuse, enjouée taquine. Aucun horizon n’échappe à la curiosité de son regard : les livres, les sports, les sciences, les voyages. Ses amis peuvent compter sur son infrangible fidélité. Son sens raffiné de l’humour s’est aiguisé à l’école du Père Fafard au Scolasticat, à celle des douaniers français et des vendeurs d’étoffes de Lyon…
Cet homme à la carrure marquée nous te le présentons Seigneur avec fierté et reconnaissance. Il nous laisse le précieux témoignage d’un homme de foi qui se présente à toi riche d’une humanité qu’il se plaira à te raconter dans les détails car, en définitive, elle parle de toi.
Amen
Alain Ambeault, c.s.v.
Supérieur général
17 décembre 2016
Résidence Saint-Viateur
Joliette